Coup d’État à Madagascar : l’Union africaine suspend le pays et exige un retour rapide à l’ordre constitutionnel


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Drapeau de Madagascar
Drapeau de Madagascar

Au lendemain du coup d’État militaire qui a renversé le gouvernement malgache, l’Union africaine (UA) a suspendu Madagascar de toutes ses instances et activités. L’organisation continentale condamne « fermement » la prise de pouvoir par les armes et appelle à un rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel, sous la conduite d’un gouvernement civil de transition.

La réaction de l’Union africaine n’a pas tardé face aux derniers développements enregistrés à Madagascar. Réunis en urgence ce mercredi 15 octobre 2025, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’organisation panafricaine a annoncé la suspension immédiate de Madagascar de toutes ses instances et de ses activités. Une mesure forte, conforme à l’Acte constitutif de l’UA, qui interdit formellement tout changement de gouvernement par des moyens non constitutionnels.

Une condamnation unanime et un rappel des principes

Dans son communiqué, le CPS « condamne fermement le coup d’État militaire » survenu à Antananarivo, au cours duquel des officiers de l’armée ont pris le contrôle du palais présidentiel et contraint le chef de l’État à quitter ses fonctions. L’organe de sécurité de l’Union appelle les forces armées malgaches à cesser immédiatement toute interférence dans la vie politique du pays et exige un retour à la légalité constitutionnelle.

Pour l’Union africaine, la suspension de Madagascar s’inscrit dans la doctrine de tolérance zéro à l’égard des changements anticonstitutionnels de gouvernement, adoptée après la vague de coups d’État qui a frappé le continent depuis 2020. Le CPS rappelle que les États membres ont l’obligation de respecter les principes démocratiques et de garantir la stabilité institutionnelle.

Le communiqué du Conseil souligne que l’organisation « ne reconnaîtra aucun régime issu d’un putsch » et menace de sanctions ciblées contre les auteurs et complices du coup d’État. Ces mesures pourraient inclure des restrictions de voyage, un gel des avoirs ou une interdiction de participation aux instances régionales.

Appel à un dialogue national et à une transition civile

Au-delà de la sanction, l’UA plaide pour une solution politique rapide et inclusive. Elle appelle à l’ouverture d’un dialogue national réunissant toutes les forces vives du pays, des partis politiques aux chefferies traditionnelles en passant par la société civile et les leaders religieux, afin de préparer une transition pacifique vers des élections libres et transparentes.

Le Conseil soutient également l’envoi d’une mission d’évaluation sur place pour dialoguer avec les différents acteurs et faciliter une sortie de crise. Dans le même esprit, il salue l’initiative de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), qui a déjà décidé de dépêcher une délégation conjointe pour évaluer la situation et proposer une feuille de route de transition.

Une profonde crise politique

Ce coup d’État plonge Madagascar dans une nouvelle période d’instabilité, après plusieurs années de fragilité institutionnelle et de tensions politiques récurrentes. Le pays, qui avait retrouvé une certaine normalité démocratique après la crise de 2009, semble replonger dans un cycle de ruptures entre civils et militaires, souvent nourries par des contestations électorales et une méfiance envers les institutions.

Les observateurs notent que l’armée malgache, longtemps considérée comme arbitre des crises politiques, joue à nouveau un rôle central dans la recomposition du pouvoir. Une situation que l’Union africaine et la SADC jugent dangereuse pour la stabilité régionale, au moment ou d’autres États d’Afrique australe comme le Mozambique ou le Lesotho font face à des défis sécuritaires similaires.

Une pression internationale croissante

Les réactions internationales se multiplient. L’Union européenne, les Nations unies et plusieurs chancelleries occidentales ont également condamné la prise de pouvoir militaire, appelant au respect des institutions démocratiques et des droits fondamentaux. Washington et Paris, partenaires historiques de la Grande Île, ont demandé la libération immédiate des responsables civils détenus et offert leur soutien à une médiation africaine.

Dans ce contexte, la suspension de Madagascar par l’Union africaine revêt une portée symbolique forte : elle réaffirme la volonté du continent de s’opposer à la banalisation des putschs et d’encourager des transitions politiques respectueuses de la souveraineté populaire. Mais le succès de cette ligne de fermeté dépendra de la capacité de l’UA et de la SADC à parler d’une seule voix et surtout, à imposer leurs décisions aux militaires désormais maîtres du pouvoir à Antananarivo.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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