Côte d’Ivoire, sanctions américaines envisagées : le PPA-CI fustige la perte de crédibilité du régime RHDP


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Laurent Gbagbo
Laurent Gbagbo, ancien Président de Côte d'Ivoire

Le Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) a réagi avec fermeté à l’annonce d’un projet américain visant à restreindre l’entrée sur son territoire des ressortissants de 25 pays africains, parmi lesquels figure la Côte d’Ivoire. Pour le principal parti d’opposition, cette initiative diplomatique, motivée selon Washington par des manquements en matière de sécurité et de fiabilité administrative, constitue un désaveu cinglant pour le pouvoir en place à Abidjan.

Alors que les joutes électorales d’octobre 2025 en Côte d’Ivoire approchent à grands pas, toutes les occasions sont bonnes pour chaque camp de tirer à boulets rouges sur le camp rival. C’est ce qu’a fait le PPA-CI, le parti de Laurent Gbagbo, ce lundi, après la publication par les Etats-Unis d’une liste de 25 pays africains que pourraient frapper des restrictions de visas. Liste sur laquelle figure la Côte d’Ivoire.

Une décision aux lourdes implications diplomatiques

Selon les termes du communiqué publié le 16 juin par le PPA-CI, la Côte d’Ivoire a été sommée par les autorités américaines de satisfaire, dans un délai de 60 jours, à une série d’exigences sécuritaires. À défaut, des mesures de restriction d’entrée pourraient être imposées aux citoyens ivoiriens. Le gouvernement américain invoquerait notamment l’incapacité des États visés à produire des documents d’identité fiables, le nombre élevé de leurs ressortissants en situation irrégulière, ainsi que des soupçons de fraudes administratives.

Pour le PPA-CI, cette décision, si elle venait à être appliquée, marquerait un double revers pour le régime du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). D’une part, elle confirmerait les critiques récurrentes de l’opposition sur la fragilité de l’état civil ivoirien, et par conséquent, sur la faible crédibilité des listes électorales. D’autre part, elle illustrerait, selon le parti de Laurent Gbagbo, l’échec des politiques de développement proclamées par le gouvernement depuis plus d’une décennie.

L’échec d’une « émergence » clamée

Le communiqué, signé par Me Habiba Touré, porte-parole du PPA-CI, pointe du doigt un contraste entre la rhétorique officielle d’« émergence » économique et la réalité des conditions de vie, marquée par une migration massive, souvent irrégulière, de nombreux Ivoiriens. « Si la décision américaine devait être motivée par une présence trop nombreuse de nos ressortissants en situation irrégulière sur leur territoire, cela attesterait d’un échec cuisant et manifeste de la prétendue émergence scandée, depuis 15 ans, par le pouvoir RHDP», affirme le texte, soulignant que certains migrants n’hésitent pas à risquer leur vie pour fuir le pays.

Le parti dénonce un pouvoir RHDP qui « feint d’ignorer » l’ampleur du phénomène migratoire et préfère recourir à une communication officielle jugée mensongère. Pour le PPA-CI, cette stratégie s’effondre face aux réalités économiques et sociales vécues par la population, et désormais reconnues à l’international.

Le PPA-CI dénonce un isolement croissant du pays sur la scène internationale

Le parti note également que cette remise en cause américaine intervient peu après la décision de la Commission européenne d’ajouter la Côte d’Ivoire à la liste des pays à haut risque en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. À cela s’ajoutent les suspicions des États-Unis concernant des fraudes administratives et l’infiltration de réseaux criminels.

Pour le PPA-CI, cette série d’alertes internationales révèle un isolement diplomatique croissant et une perte de crédibilité du pays à l’échelle mondiale. « La Côte d’Ivoire ne convainc plus et n’est plus crédible », résume le communiqué, appelant les autorités à prendre la pleine mesure de cette crise d’image.

À quatre mois d’une présidentielle à haut risque

L’annonce américaine survient à quelques mois de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025. Le PPA-CI accuse le pouvoir de manœuvres visant à exclure les principaux leaders de l’opposition, notamment via une Commission électorale indépendante (CEI) jugée partiale, et une liste électorale contestée.

Le communiqué appelle à un sursaut démocratique et à une refondation du dialogue politique. « La Côte d’Ivoire mérite mieux », insiste le PPA-CI, qui exhorte le gouvernement à restaurer l’unité nationale et à respecter les principes démocratiques à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Au total, cette prise de position traduit une volonté du PPA-CI de replacer la politique ivoirienne dans une perspective internationale, en s’appuyant sur les critiques externes pour dénoncer les dérives internes. À travers cette offensive, l’opposition entend renforcer sa légitimité à quatre mois d’une échéance électorale particulièrement incertaine.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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