
La présidentielle ivoirienne de 2025 se jouera sans quatre figures majeures de l’opposition : Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo, Guillaume Soro et Charles Blé Goudé ont été radiés de la liste électorale. Cette décision, justifiée par la Commission électorale indépendante, mais contestée par les opposants, jette une ombre sur la crédibilité du scrutin et ravive les tensions politiques dans un pays toujours marqué par les fractures électorales passées.
En Côte d’Ivoire, la liste électorale définitive pour la présidentielle d’octobre 2025 vient de tomber. Elle provoque une onde de choc dans le paysage politique national. Quatre figures majeures de l’opposition, Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo, Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, sont officiellement écartées de la course à la magistrature suprême. Une décision qui soulève de sérieuses interrogations sur la transparence démocratique et l’équilibre du processus électoral.
Tidjane Thiam, le technocrate déchu
Le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Tidjane Thiam, nourrissait de grandes ambitions présidentielles après avoir été plébiscité à 99 % par son parti pour représenter l’opposition en octobre. Ancien directeur de Crédit Suisse, Thiam avait abandonné sa nationalité française en mars 2025, croyant ainsi pouvoir se conformer aux exigences constitutionnelles ivoiriennes. Mais la justice en a décidé autrement, estimant qu’il avait perdu sa nationalité ivoirienne dès 1987 lors de son acquisition de la nationalité française. La réintégration étant jugée trop tardive, la CEI l’a radié sans appel. Depuis l’Europe, l’opposant dénonce une « dérive antidémocratique » et entend porter l’affaire devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU.
Laurent Gbagbo, la grâce présidentielle ne suffit pas
L’ancien chef d’État ivoirien (2000-2011), Laurent Gbagbo, a beau avoir été acquitté par la Cour pénale internationale, la justice de son pays l’a condamné en appel à 20 ans de prison pour « braquage » de l’agence nationale de la BCEAO lors de la crise post-électorale de 2010-2011. Gracié par Alassane Ouattara, mais non amnistié, Gbagbo reste inéligible. Pourtant, en mai dernier, son parti, le PPA-CI, l’investissait comme candidat officiel à la présidentielle. L’ex-président, toujours charismatique, promettait alors un programme ambitieux de réformes sociales et de lutte contre la corruption.
Guillaume Soro, l’exilé perpétuel sous le coup d’un mandat d’arrêt
Depuis l’étranger, Guillaume Soro continue de revendiquer sa place dans le jeu politique ivoirien. Ancien Premier ministre, ex-président de l’Assemblée nationale, l’ancien chef rebelle a été condamné à perpétuité en 2021 pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Visé par un mandat d’arrêt international, il reste introuvable physiquement, mais très actif en ligne. Sa déclaration de candidature fin 2024 n’aura pas suffi à infléchir la position de la CEI, qui a validé sa radiation.
Charles Blé Goudé, un retour politique empêché
Blé Goudé, le fondateur du COJEP, autrefois surnommé le « Général de la rue », avait fait son retour en Côte d’Ivoire avec des ambitions assumées de renouvellement générationnel. Bien qu’acquitté par la CPI, il a été lourdement condamné en Côte d’Ivoire à 20 ans de prison pour des faits liés à la crise de 2010-2011. Son inscription sur la liste électorale avait déjà été contestée, puis définitivement refusée en mars 2025. Il a pourtant récemment tenu des rassemblements avec d’autres figures de l’opposition pour appeler à l’unité nationale.
Une CEI sous tension, un climat politique plombé
Pour la Commission électorale indépendante (CEI), il s’agit d’une application stricte de la loi. Son président, Kuibiert Coulibaly, a affirmé que les radiations sont définitives et qu’aucune révision du fichier électoral n’est envisageable d’ici le scrutin. Mais dans les rangs de l’opposition, la contestation est vive. Les formations exclues dénoncent une manœuvre politique visant à verrouiller l’élection au profit du parti au pouvoir, tandis que les appels à un dialogue inclusif restent, pour l’instant, lettre morte.
Avec l’éviction de quatre figures centrales de l’opposition, la présidentielle ivoirienne de 2025 s’annonce sous haute tension. Si des noms comme Simone Gbagbo ou Pascal Affi N’Guessan restent en lice, le vide laissé par ces exclusions pourrait radicalement changer la donne. Et surtout, raviver les tensions dans un pays encore marqué par les crises électorales passées. Reste à savoir si le peuple ivoirien saura faire entendre sa voix dans un contexte aussi verrouillé.