
Le Parlement français a adopté à l’unanimité une loi autorisant la restitution à la Côte d’Ivoire du Djidji Ayôkwé, un tambour parleur d’une valeur inestimable, aussi appelé tambour Ebrié. Cet imposant instrument de trois mètres trente, pesant près de 430 kilos, est bien plus qu’un simple objet : il incarne une mémoire collective, un lien sacré entre les générations, et un pan vivant de la culture ivoirienne.
Le tambour qui parle : une voix ancestrale retrouvée
Conservé depuis des décennies dans un musée français après avoir été prélevé durant la période coloniale, le tambour Djidji Ayôkwé va rejoindre officiellement la Côte d’Ivoire. Instrument sacré du peuple Ebrié, le Djidji Ayôkwé, littéralement « tambour qui parle », servait autrefois à transmettre des messages sur de longues distances. Il rythmait la justice, les rituels et les moments fondateurs de la communauté.
Sa restitution est une étape importante dans le long processus engagé pour rapatrier les œuvres d’art africaines spoliées durant la colonisation, comme le recommandait dès 2018 le rapport Savoy-Sarr, commandé par Emmanuel Macron. Pour la ministre ivoirienne Françoise Remarck, ce retour est une reconnaissance de la « dignité et de l’histoire » du peuple ivoirien. Du côté français, Rachida Dati y voit un geste fort pour « réparer les blessures du passé » et renforcer le dialogue patrimonial entre les deux nations.
L’Attoungblan : la parole sculptée des peuples
La Côte d’Ivoire prévoit de préserver le tambour dans un musée spécialement dédié à la valorisation de son patrimoine national. Ce geste vise à éveiller une conscience culturelle chez les jeunes générations et à redonner vie aux traditions. Le Djidji Ayôkwé devient ainsi une source d’éducation, de fierté et de rassemblement. Ce retour relance également le débat sur les milliers d’objets africains encore détenus par des musées occidentaux. Pour de nombreux pays africains, chaque restitution représente une avancée vers la reconnaissance de leurs droits culturels.
En Côte d’Ivoire, le tambour parleur ne se limite pas au Djidji Ayôkwé. L’Attoungblan, notamment utilisé par le peuple Abouré, joue un rôle similaire. Sculpté de motifs humains et animaux, il communique en langue rythmée, compréhensible uniquement par les initiés. Cet instrument mystique, utilisé pour transmettre des messages, raconter des légendes et honorer les ancêtres, est le dépositaire d’une mémoire orale précieuse.
Un tambour, mille échos
Plus qu’un objet musical, l’Attoungblan est un symbole de prestige. Lors des cérémonies, il relie les vivants aux esprits des ancêtres, marquant le passage de flambeau entre générations.
La restitution du Djidji Ayôkwé est une victoire pour la Côte d’Ivoire et un signal fort pour l’avenir des relations culturelles entre l’Afrique et l’Europe. Elle témoigne d’un changement d’époque où les voix longtemps étouffées reprennent leur place dans l’histoire mondiale. Le tambour parleur, messager du passé, sonne désormais l’heure d’une nouvelle ère : celle de la reconnaissance, du respect et de la mémoire retrouvée.