
Après l’agression d’un vieil homme attribuée à des jeunes d’origine maghrébine, la commune de Torre-Pacheco, dans la région de Murcie, a été le théâtre d’émeutes xénophobes visant directement les immigrés marocains. Une flambée de violence dans un climat déjà alourdi par les tensions liées à la délinquance organisée.
Un fait divers exploité par l’extrême droite
Mercredi 9 juillet, un retraité espagnol de 68 ans est violemment agressé en pleine rue. Rapidement, la rumeur court : les auteurs seraient de jeunes Marocains. Aucune confirmation officielle n’est alors donnée, mais l’affaire suffit à embraser Torre-Pacheco, ville agricole de 36 000 habitants où les immigrés représentent près de 30 % de la population — en majorité d’origine marocaine.
Ce week-end, des groupes d’extrême droite se rassemblent, certains encagoulés, d’autres armés de battes et de barres de fer. Leur objectif : « faire justice eux-mêmes ». Des vidéos circulent montrant des véhicules et des habitations ciblés, des slogans racistes lancés à pleine voix, des affrontements avec la police.
Un appel à la « chasse aux Maghrébins » avait été lancé la veille via Telegram, relayé par plusieurs canaux nationalistes radicaux. Des adresses et des photos d’immigrés y étaient partagées. Le quotidien El País parle d’une campagne coordonnée, « digne des pires méthodes de l’extrême droite numérique » (El País, 13 juillet 2025).
Une communauté marocaine stigmatisée
Les Marocains constituent de loin la première communauté étrangère d’Espagne, avec plus de 900 000 résidents. À Torre-Pacheco, comme dans d’autres communes agricoles d’Andalousie ou de Murcie, ils occupent en majorité des emplois dans les serres, dans des conditions souvent précaires.
Mais cette présence massive est aussi au cœur de fantasmes alimentés par les faits divers et la criminalité. Car il faut le rappeler : les Marocains représentent la nationalité étrangère la plus nombreuse dans les prisons espagnoles, selon les données du ministère espagnol de l’Intérieur (2023). Et la mafia marocaine est aujourd’hui le principal acteur du trafic de cannabis entre le Maroc et la péninsule ibérique, en particulier via le détroit de Gibraltar.
Cela n’excuse rien — les travailleurs immigrés visés à Torre-Pacheco ne sont en rien liés à ces réseaux. Mais ce contexte alimente un amalgame délétère, que certains groupes n’hésitent pas à exploiter pour justifier leur violence.
Réactions locales et appel au calme
Face à cette déferlante haineuse, les autorités ont tenté d’éteindre l’incendie. Le maire de Torre-Pacheco, Pedro Ángel Roca, a rappelé que « la majorité des immigrés marocains vivent ici de leur travail et contribuent à l’économie locale. Ce sont des citoyens à part entière » (La Verdad, 13 juillet 2025).
Le président de la région de Murcie, Fernando López Miras, a également condamné les émeutes, tout en appelant à « respecter l’enquête judiciaire en cours » concernant l’agression du retraité.
Un air de déjà-vu
Cette flambée de violence rappelle les émeutes d’El Ejido en 2000, lorsque plusieurs jours d’attaques contre des immigrés marocains avaient suivi un fait divers similaire. Deux décennies plus tard, rien n’a vraiment changé : même précarité, même cohabitation tendue, même tentation de l’amalgame.
Le risque désormais est celui d’une propagation. Car les tensions identitaires ne se limitent pas à Torre-Pacheco : dans d’autres communes du sud de l’Espagne, les signaux sont au rouge. La parole raciste s’est libérée, les réseaux sociaux amplifient chaque incident, et l’extrême droite, notamment Vox, n’hésite plus à surfer sur cette colère.