
Deux figures clés des milices anti-balaka ont été lourdement condamnées ce 24 juillet 2025 par la Cour pénale internationale. Cette décision marque une étape importante dans la lutte contre l’impunité en République centrafricaine. Alfred Yekatom et Patrick-Edouard Ngaïssona, reconnus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, écopent respectivement de 15 et 12 ans de prison.
Le 24 juillet 2025 restera une date marquante dans le long chemin vers la justice pour les victimes des violences en République centrafricaine. Après plus de quatre années de procès, la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye, a condamné deux anciens chefs de milices anti-balaka à des peines de prison ferme. Alfred Yekatom a été reconnu coupable de 20 chefs d’inculpation et écope de 15 ans de prison, tandis que son co-accusé Patrick-Edouard Ngaïssona, coupable de 28 chefs d’accusation, a été condamné à 12 ans. Ces peines, bien que significatives, restent en deçà des attentes des parties civiles qui espéraient la peine maximale de 30 ans.
Un procès historique
Alfred Yekatom, ancien député et dirigeant d’une société de sécurité privée, avait été arrêté fin 2018 à Bangui avant d’être extradé vers La Haye. Presque simultanément, Patrick-Edouard Ngaïssona, ex-président de la Fédération centrafricaine de football, était interpellé en France puis remis à la CPI. Leur procès, entamé il y a un peu plus de quatre ans, a connu de nombreux retards, notamment dus à la pandémie de Covid-19 et aux questions de renouvellement des mandats des juges.
Mais c’est désormais chose faite : la justice internationale a rendu son verdict, mettant un terme, du moins provisoire, à un des dossiers judiciaires les plus emblématiques du conflit centrafricain. Les faits reprochés aux deux hommes remontent à la période de septembre 2013 à février 2014. Cette période correspond à la tentative de retour au pouvoir du général François Bozizé, déchu quelques mois auparavant par la coalition rebelle Séléka.
Les crimes des milices anti-balaka
En réaction à cette prise de pouvoir, les milices anti-balaka, composées en majorité de partisans de Bozizé et issues des milieux chrétiens et animistes, se sont organisées pour lutter contre la Séléka, à majorité musulmane. Ce conflit a rapidement pris une dimension intercommunautaire, débouchant sur des violences d’une extrême brutalité. Les milices anti-balaka, sous la direction de chefs tels que Yekatom et Ngaïssona, ont été responsables d’innombrables exactions.
Parmi les crimes retenus par la CPI figurent des attaques ciblées contre des civils musulmans, des actes de torture, des persécutions à caractère ethnique ou religieux, ainsi que des traitements inhumains et dégradants. Les juges ont établi que ces violences n’étaient pas le fruit du hasard ou d’initiatives isolées, mais qu’elles répondaient à une stratégie planifiée de terreur et de purification communautaire. La condamnation d’Alfred Yekatom et Patrick-Edouard Ngaïssona est d’autant plus symbolique que les deux hommes occupaient des fonctions publiques influentes avant ou après les faits.
Responsabilités et symbolique
Yekatom, surnommé « Rambo », était un personnage craint sur le terrain, connu pour sa brutalité. Ngaïssona, quant à lui, jouissait d’un vernis de respectabilité en tant que responsable sportif. Mais les juges ont conclu qu’il avait joué un rôle central dans le financement, la coordination et l’organisation des milices anti-balaka. Les peines prononcées confirment la responsabilité pénale individuelle de leaders politiques et militaires dans des crimes de masse. Elles rappellent aussi que la CPI, malgré ses lenteurs, reste un recours pour les peuples victimes de violences systémiques.
Cependant, la question de la justice en Centrafrique reste largement ouverte. D’autres auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité n’ont pas encore été jugés, qu’ils soient issus des rangs de la Séléka ou des anti-balaka. Les avocats des deux condamnés ont d’ores et déjà indiqué leur intention de faire appel, prolongeant ainsi un processus judiciaire déjà long et complexe. Il reviendra aux juges d’appel de déterminer si les peines sont proportionnelles aux crimes commis.