
Alors que la Coupe d’Afrique des Nations bat son plein au Maroc, l’association SEE (Social Engagement for Everyone) déploie la troisième édition de sa campagne digitale sport-santé. Son fondateur, Erick Maville, explique comment le sport-spectacle peut servir de tremplin à la promotion de l’activité physique quotidienne sur le continent.
Cinquante et un millions de pas, soit l’équivalent d’un tour de la Terre. C’est le bilan de la précédente édition de cette initiative originale, lancée lors de la CAN 2023 en Côte d’Ivoire. À travers une application de challenge connecté, des ambassadeurs engagés et des contenus pédagogiques, SEE entend sensibiliser entreprises et grand public aux enjeux du sport-santé, alors que la sédentarité tue chaque année 27 millions de personnes dans le monde, dont 80 % dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires. Rencontre avec un entrepreneur social qui mise sur la puissance fédératrice du football pour changer les comportements.
Comment est née l’idée de s’appuyer sur cet événement populaire qu’est la CAN pour porter un message de santé publique ? Qu’est-ce que le sport-spectacle peut apporter à la promotion du sport-santé au quotidien ?
Erick Maville : Tout d’abord, il faut rappeler que le manque d’activité physique et la sédentarité sont selon l’Organisation Mondiale de la Santé ( OMS), parmi les premiers facteurs de risque de maladies cardiovasculaires et de cancers, à l’origine de plus de 27 millions de décès par an dans le monde, dont près de 80% dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Ensuite, la prévention fait partie de notre ADN. A SEE, nous sommes convaincus que les entreprises et les fondations ont, dans le cadre de leur engagement sociétal (RSE), un rôle-clé à jouer pour promouvoir le bien-être et la santé par l’activité physique, la nutrition et le sport.
C’est ainsi que nous déployons dans ce sens plusieurs programmes depuis 15 ans en Europe, en Outre-Mer et en Afrique, allant des caravanes santé et plus récemment le campus digital et les challenges de pas connectés.
En lançant la campagne digitale sport-santé première du genre sur le thème « Ensemble, bougeons pour la santé des femmes », lors de la CAN 2023 notre ambition était d’abord de sensibiliser les entreprises, les collectivités et le grand public à cette grande cause sociétale qu’est le sport-santé en Afrique et dans le monde, en bénéficiant de l’audience des grandes manifestations sportives et populaires. En l’inscrivant dans la démarche RSE de nos partenaires en lien avec la plateforme d’engagement Business for Global Health (B4GH) que porte notre association, nous avons contribué à créer la plus grande communauté d’acteurs francophones engagés pour la promotion de la santé par l’Activité Physique au quotidien en Afrique.
Lors de la CAN 2023 en Côte d’Ivoire, votre campagne avait totalisé plus de 50 millions de pas. Au-delà de ce chiffre impressionnant, comment mesurez-vous l’impact réel de ces initiatives sur les comportements et la prise de conscience des populations ?
Erick Maville : A travers l’application « Start’R by SEE » de challenge de pas connectés proposée dans le cadre de la campagne, ce sont en effet 14 équipes issus de 10 pays qui se sont constituées enrôlant près de 900 inscrits, réalisant collectivement, pendant 14 jours, plus de 51 millions de pas au total, soit 40.000 Km, l’équivalent d’un tour de terre au niveau de l’équateur.
Au plan collectif, c’est un formidable outil de team building et de mobilisation.
Au plan individuel, l’application Start’R permet à chaque utilisateur de faire son bilan santé à la fin du challenge et de bénéficier de conseils pour élaborer son plan de prévention personnalisé.
S’agissant des entreprises, SEE a lancé depuis novembre 2024 le premier Baromètre RSE & Santé évaluant la place qu’occupent les enjeux liés à la santé dans leurs stratégies RSE. Ce que montre notre étude est qu’en Afrique, le sport-santé semble progresser mais il reste inscrit dans seulement 10 % des initiatives RSE, loin dernière de thématiques tels que la santé environnementale (45%), le soutien aux communautés pour l’accès à la prévention et aux soins (42%), ou encore l’équilibre vie privée/vie professionnelle (30%).
Nous ne produisons pas à notre niveau d’études pour mesurer la prise conscience des populations et l’évolution de la pratique sportive à l’échelle des pays, ni l’impact chiffré de ces activités sur leur état de santé. Ce sont toutefois des données qui peuvent être collectées par les bureaux de l’OMS à travers les enquêtes nationales portant sur les facteurs de risques de maladies non-transmissibles (STEPS),
Votre dispositif repose largement sur des outils numériques : application de comptage de pas, tableau connecté, webcasts, coach virtuel. Le numérique est-il aujourd’hui indispensable pour toucher les populations africaines en matière de prévention santé ? Ne risque-t-on pas d’exclure une partie du public ?
Erick Maville : Plusieurs volets digitaux composent la campagne. En premier lieu, un tableau connecté mettant en avant des Ambassadeurs, personnalités impliquées, qui à travers leurs témoignages-vidéos inspirants visent à inciter d’autres acteurs à rejoindre l’initiative. Des conseils d’experts et de coachs disponibles sous forme de capsules-vidéos, ainsi que des contenus et des supports éducatifs de prévention sur les bienfaits du sport-santé, sont postés sur le site web dédié de la campagne. Ils sont téléchargés par plusieurs dizaines de milliers de visiteurs.
Sans le numérique et la participation des opérateurs de téléphonie mobile, il serait impossible d’atteindre de tels résultats et de connecter autant de pays lors de chaque édition de la campagne. Toutefois nous sommes conscients des défis qu’il reste à relever sur le continent pour rendre ces contenus dans des formes accessibles à tous, notamment pour des publics qui ne disposent pas de smartphones ou qui vivent dans des zones où la connexion à Internet est limitée.
Vous proposez aux entreprises de sponsoriser des sessions de coaching pour leurs équipes. Comment convaincre les dirigeants africains que la santé de leurs collaborateurs est un investissement et non un coût ? Quel est l’état des lieux de la santé en entreprise sur le continent ?
Erick Maville : Il reste encore beaucoup à faire à ce niveau, mais nous disposons aujourd’hui de solutions adaptées telles que les Caravanes Santé 3.0 et son interface embarquée de collecte de données anonymisées qui permettent de convaincre les chefs d’entreprises opérant en Afrique qu’il est socialement responsable et économiquement rentable d’investir dans la prévention en santé.
Par exemple, dans bon nombre de pays subsahariens,, beaucoup de décideurs économiques ignorent qu’avec 20€ par salarié et par an il est possible de mettre en place sur site des actions de conseil-dépistage précoce du diabète et de l’hypertension artérielle.
Nous incluons par ailleurs pour la première fois une solution de coaching-sportif personnalisée utilisant l’IA , MyHealthCop, dont le coût de l’abonnement est inférieur à 10 € par mois.
Ces tarifs sont à comparer au coût estimé entre 4000 et 6000€ par an pour la prise en charge et le traitement des complications liées à ces maladies. Sans compter le coût indirect en terme d’absentéisme ou la perte de capital humain en cas de décès d’un collaborateur formé et la perte de revenus pour sa famille. Autrement dit, le coût de l’inaction est dans certains cas 200 à 300 fois supérieur au coût de l’action !
Votre campagne réunit des équipes de Mauritanie, du Sénégal, du Ghana, du Burkina Faso, du Cameroun, du Maroc, de Côte d’Ivoire et de la diaspora. Comment parvenez-vous à fédérer des acteurs aussi divers autour d’un message commun ? Y a-t-il des spécificités nationales dans le rapport à l’activité physique et à la prévention ?
Erick Maville : C’est ici que l’on mesure la contribution des Ambassadeurs dont le rôle en tant que chefs d’équipe est de mobiliser et d’embarquer leurs communautés dans la campagne afin de les inciter à s’inscrire dans le challenge de pas.
La CAN dure un mois, mais la sédentarité est un défi permanent. Comment pérenniser cette mobilisation au-delà de l’événement ? Quels sont les prochains rendez-vous et les ambitions de SEE pour les années à venir ?
Erick Maville : Plus qu’une opération évènementielle, la prévention et la promotion du sport-santé sont avant tout des piliers de nos plans d’actions depuis plus de 10 ans. Dans ce sens, nous organisons tout au long de l’année, à la demande ou lors des journées mondiales thématiques, des ateliers de sensibilisation, des sessions de coaching sur site ainsi que des challenges de pas connectés intra ou inter-entreprises en Europe en Outre-Mer et en Afrique.
Cette nouvelle année sera rythmée par des temps forts : la CAN au Maroc (21 décembre 2025 au 18 janvier 2026), la semaine pour la Qualité de vie au travail en juin, les JOJ à Dakar, Octobre Rose et Novembre Bleu…
Nous avons l’ambition d’être le premier réseau du monde francophone fédérant des acteurs engagés en matière de RSE et d’innovation en santé en Afrique, en Europe, en outre-mer et en Asie.




