Bénin : quatre chefs d’accusation contre le journaliste Hugues Sossoukpè placé sous mandat de dépôt à la CRIET


Lecture 4 min.
Comlan Hugues Sossoukpè
Comlan Hugues Sossoukpè

Arrêté en Côte d’Ivoire et transféré au Bénin la semaine dernière, le journaliste béninois réfugié au Togo, Comlan Hugues Sossoukpè, est désormais détenu à la prison civile de Ouidah. La CRIET lui reproche quatre infractions lourdes. Une arrestation qui soulève une vague d’indignation au sein des défenseurs de la liberté de la presse.

C’est l’actualité qui fait la une de la presse béninoise, ces derniers jours. L’arrestation du journaliste et web activiste, Comlan Hugues Sossoukpè, défraie la chronique depuis vendredi. Avec sa présentation au juge des libertés et de la détention de la CRIET, ce lundi, le flou qui entourait le dossier depuis son arrestation est quelque peu dissipé.

Une comparution sous tension devant la CRIET

Ce lundi 14 juillet 2025, le journaliste Comlan Hugues Sossoukpè a été présenté au juge des libertés et de la détention de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), à Cotonou. À l’issue de cette audience, il a été placé sous mandat de dépôt.

Selon Me Aboubacar Baparapé, l’un de ses avocats, dont les propos ont été rapportés par le média local Banouto.bj, quatre chefs d’accusation ont été retenus à l’encontre du journaliste : incitation à la rébellion, incitation à la haine et à la violence, harcèlement par le biais d’une communication électronique et apologie du terrorisme. Le journaliste n’a pas reconnu les faits lors de sa présentation au juge. La date de son procès n’a pas encore été fixée. Le dossier est retourné en instruction pour complément d’enquête.

Reporters sans frontières dénonce une « arrestation inouïe » à Abidjan

Réfugié au Togo depuis 2021, Comlan Hugues Sossoukpè avait été invité à Abidjan, en Côte d’Ivoire, par le ministère de la Transition numérique pour couvrir un salon régional. Le 10 juillet, alors qu’il séjournait dans un hôtel, quatre hommes en civil, se présentant comme des membres de la gendarmerie ivoirienne, l’ont arrêté. Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières (RSF) et confirmées par son avocat, il a été conduit directement à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, puis embarqué à bord d’un avion spécial à destination du Bénin, sans être présenté à un magistrat ivoirien.

Cette opération, qualifiée d’« inouïe » par RSF, suscite une vive polémique. L’organisation de défense des journalistes dénonce une extradition irrégulière et exige des explications immédiates des autorités ivoiriennes et béninoises, ainsi que la libération sans condition de Comlan Hugues Sossoukpè.

Un statut de réfugié ignoré ?

Comlan Hugues Sossoukpè bénéficie depuis 2021 du statut de réfugié politique au Togo, documenté par un document officiel et est, selon son avocat, protégé par le HCR. Cette situation, en théorie, interdit toute extradition vers le pays d’origine sans procédure formelle et sans garanties judiciaires.

Or, souligne Me Aboubacar Baparapé, la Côte d’Ivoire aurait procédé à son transfert sans respecter les obligations internationales découlant du droit d’asile. Selon le récit fait par le journaliste à son avocat, il aurait été escorté par des agents en civil, sans mandat judiciaire ivoirien, jusqu’à son arrivée à Cotonou où il a été pris en charge par le Centre national d’investigations numériques (CNIN) puis présenté à la CRIET.

Une affaire politique sur fond de liberté d’expression

Fondateur du média en ligne Olofofo, aujourd’hui suspendu au Bénin, Comlan Hugues Sossoukpè est une figure critique du régime en place. Pour plusieurs observateurs, les accusations portées contre lui pourraient relever davantage d’un acharnement politique que d’une procédure pénale régulière.

Cette affaire relance le débat sur la liberté de la presse au Bénin et la CRIET, souvent accusée d’être utilisée comme instrument de répression contre les voix dissidentes. Reporters Sans Frontières et plusieurs ONG internationales appellent à une mobilisation diplomatique pour garantir les droits du journaliste et empêcher ce qu’ils considèrent comme une dérive autoritaire grandissante.

Cette affaire n’est pas sans rappeler celle d’un autre web activiste, Steve Amoussou, interpellé par des hommes en civil à Lomé en août 2024 avant d’être jugé et condamné récemment par la CRIET à une peine de deux ans de prison ferme assortie d’une amende de 1 million de francs CFA.

Logo Afrik.com
La rédaction d'Afrik, ce sont des articles qui sont parfois fait à plusieurs mains et ne sont donc pas signés par les journalistes
Facebook Instagram
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News