Algerian Bank of Senegal se positionne entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne


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Image ABS Algerian Bank Senegal
Image ABS Algerian Bank Senegal

À l’angle des artères financières de Dakar, un nouvel établissement bancaire aux couleurs algériennes fait désormais partie du paysage. En moins de deux ans, l’Algerian Bank of Senegal (ABS) s’est imposé dans les institutions financières du pays d’Afrique de l’Ouest.

En moins de deux ans d’existence, l’Algerian Bank of Senegal s’affirme comme un trait d’union financier stratégique. Pour le Sénégal, elle représente une nouvelle source de capitaux et d’expertise technique. Pour l’Algérie, elle constitue un tremplin vers les marchés subsahariens. Mais au-delà de ces intérêts bilatéraux, cette initiative contribue à l’émergence d’un véritable marché bancaire continental, plus intégré, plus compétitif, et surtout, piloté par des institutions africaines.

Après avoir obtenu son agrément du ministère sénégalais des Finances le 11 avril 2023, l’ABS a été officiellement inaugurée le 21 septembre de la même année, en présence des ministres des deux nations qui avaient salué cette initiative comme « un outil important pour concrétiser l’ambition d’échanges intra-africains« .

Un an seulement après cette inauguration, le bilan s’avère impressionnant. Selon Abdelhafid Haned, directeur général de l’établissement, près de 500 entreprises ont déjà approché la banque. Dotée d’un capital social de 100 millions de dollars, l’ABS a rapidement établi deux agences dans des quartiers clés de la capitale sénégalaise.

Pour 2025, la direction a défini une feuille de route claire : déploiement massif de solutions monétiques et augmentation « significative » du chiffre d’affaires, tout en poursuivant sa mission d’accompagnement des exportateurs algériens vers les marchés ouest-africains.

Un catalyseur pour l’économie sénégalaise

L’arrivée de ce nouvel acteur bancaire représente une opportunité majeure pour le Sénégal à plusieurs égards. En diversifiant le paysage bancaire, l’ABS élargit l’offre de financement pour les PME/PMI locales, souvent confrontées à des taux prohibitifs ou des exigences de garanties strictes. Cette nouvelle concurrence pourrait contribuer à assouplir les conditions d’accès au crédit dans un marché jusqu’alors relativement concentré.

Spécialisée dans les instruments de commerce international tels que les lettres de crédit, garanties bancaires et couvertures des risques de change, la banque optimise les opérations d’import-export et réduit les délais de traitement. Cette expertise s’avère particulièrement précieuse pour les entrepreneurs sénégalais cherchant à étendre leurs activités au-delà des frontières nationales.

Le plan de déploiement monétique prévu pour 2025 promet d’introduire des solutions de paiement électronique régionales dans un marché encore dominé par les services de paiement mobile. Cette innovation pourrait réduire les coûts de transaction et faciliter les échanges commerciaux, contribuant ainsi à l’inclusion financière des entreprises comme des particuliers.

Ces initiatives s’inscrivent parfaitement dans la vision du Plan Sénégal Émergent qui vise à transformer l’économie nationale d’ici 2035.

Une stratégie de diversification algérienne

Pour Alger, cette implantation l’ouverture de l’ABS s’inscrit dans une politique d’internationalisation des principales banques publiques algériennes (BNA, CPA, BEA, BADR) – une stratégie continentale officialisée en juin 2023 qui prévoit également des implantations en Mauritanie, en France et en Chine.

Cette démarche répond à trois impératifs stratégiques.

  • D’abord, elle vise à soutenir les exportateurs nationaux pour atteindre l’objectif gouvernemental ambitieux de 15 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures. La présence d’une banque algérienne à l’étranger facilite considérablement les transactions et offre un point d’ancrage aux entreprises souhaitant pénétrer le marché ouest-africain.
  • Ensuite, les dividendes générés et la mobilisation de capitaux régionaux renforcent la liquidité du système bancaire algérien. Cette consolidation financière s’avère cruciale dans un contexte où l’Algérie cherche à diversifier ses sources de revenus.
  • Enfin, en finançant des projets stratégiques sénégalais dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie et de l’agriculture, l’Algérie accroît son influence régionale et se positionne comme un partenaire crédible face aux groupes marocains déjà bien implantés en Afrique occidentale.

Les nouvelles dynamiques financières continentales

L’implantation de l’ABS préfigure plusieurs évolutions majeures pour le secteur bancaire africain. Après les succès d’Attijariwafa Bank (Maroc) et de la Trade Development Bank (COMESA), l’ABS illustre la diversification des centres financiers intra-africains. Cette multipolarité émergente va permettre de réduire progressivement la dépendance historique aux institutions financières européennes mais aussi de favoriser une baisse des coûts de crédit pour les entrepreneurs locaux.

La banque soutient aussi des projets d’infrastructures transsahariennes comme l’axe Tindouf-Zouérat, renforçant les connexions entre le Maghreb et la CEDEAO, donnant ainsi une réalité concrète à la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf).

À l’heure où le continent cherche à renforcer sa souveraineté économique, l’exemple de l’ABS pourrait inspirer d’autres initiatives similaires, traçant progressivement les contours d’une architecture financière proprement africaine.

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