Alger novembre 1988 : quand l’Algérie déjoua une menace de frappe israélienne


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Mémorial du Martyr © David Bjorgen
Mémorial du Martyr © David Bjorgen

Dans un discours prononcé le 9 octobre devant les cadres de l’Armée nationale populaire, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a révélé l’existence d’un projet de bombardement visant le Club des Pins à Alger en novembre 1988. Cette révélation intervient trente-sept ans après des événements qui étaient jusqu’alors restés dans le domaine des non-dits diplomatiques et militaires.

Le 15 novembre 1988, le Conseil national palestinien se réunit au Palais des Nations, situé au Club des Pins dans la banlieue ouest d’Alger, pour proclamer l’indépendance de l’État de Palestine. Yasser Arafat, président de l’Organisation de libération de la Palestine, lit devant l’assemblée la déclaration rédigée par le poète Mahmoud Darwich.

Cette proclamation historique survient dans un climat régional tendu. Trois ans plus tôt, le 1er octobre 1985, l’aviation israélienne avait mené l’opération « Jambe de bois« , une frappe audacieuse contre le quartier général de l’OLP à Hammam Chott, en Tunisie, démontrant sa capacité à frapper à près de 3 000 kilomètres de ses bases.

Le 10 novembre 1988 : une confrontation évitée de justesse

« C’est ici que l’État palestinien a été proclamé, avec tous les dangers qu’il y avait à l’époque », a déclaré Tebboune devant les officiers supérieurs. « Vous êtes au courant des menaces qui étaient ourdies contre l’Algérie, y compris le bombardement du Club des Pins. »

Selon des informations révélées en 2018 par le journaliste spécialisé en défense Tom Cooper et publiées dans Middle East Eye, les radars de défense algériens auraient détecté le 10 novembre 1988, cinq jours avant la proclamation officielle, une formation d’appareils suspects approchant depuis l’est de la Méditerranée.

L’Algérie, anticipant une possible attaque israélienne après le précédent tunisien, avait déployé un dispositif de défense aérienne sophistiqué. Une zone d’exclusion aérienne de 20 kilomètres avait été établie autour du site. Des patrouilles aériennes de combat permanentes étaient assurées par des MiG-25 Foxbat à haute altitude, des MiG-23 à moyenne altitude, et des batteries de missiles sol-air SA-6 positionnées stratégiquement.

Lorsque les contacts suspects furent détectés, l’armée de l’air algérienne fit décoller en renfort plusieurs chasseurs, portant à huit le nombre d’appareils en vol. La simple présence massive et la posture agressive des défenses algériennes auraient suffi à dissuader toute tentative d’intrusion, les appareils non identifiés faisant finalement demi-tour sans pénétrer l’espace aérien algérien.

Une révélation tardive mais significative

Le président Tebboune n’a pas précisé pourquoi l’Algérie a attendu près de quatre décennies avant de confirmer officiellement ces événements. Cette discrétion prolongée s’inscrivait probablement dans une logique de préservation des équilibres diplomatiques régionaux pendant la guerre froide et ses suites.

« Nous n’avons aucun intérêt, sauf notre conscience vis-à-vis d’un peuple qui se bat contre la colonisation », a affirmé le chef de l’État algérien, soulignant que l’accueil de la proclamation palestinienne relevait d’un engagement de principe plutôt que d’un calcul géopolitique.

Ces déclarations interviennent dans un contexte où l’Algérie réaffirme son rôle historique dans le soutien à la cause palestinienne. Le président a rappelé que son pays avait œuvré pour l’admission de la Palestine comme membre observateur aux Nations unies et qu’il continue de défendre cette cause au Conseil de sécurité.

L’incident présumé de novembre 1988 illustre la complexité des rapports de force en Méditerranée à la fin de la guerre froide. Pour les spécialistes militaires, cet épisode démontre l’importance de la dissuasion conventionnelle.

L’Algérie disposait alors d’une force aérienne moderne, équipée par l’URSS, capable de contester une incursion à longue distance, même menée par une aviation technologiquement supérieure.

Un message politique contemporain

Au-delà de l’éclairage historique, cette révélation semble porter un message politique actuel. En rappelant l’engagement algérien de 1988, Tebboune réaffirme la position constante de son pays : « Pour nous, la solution, c’est un État palestinien avec Al-Qods pour capitale. Notre position n’a pas changé et ne changera pas. »

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Ali Attar est un spécialiste reconnu de l'actualité du Maghreb. Ses analyses politiques, sa connaissance des réseaux, en font une référence de l'actualité de la région.
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