Palestine : pourquoi Yaoundé demeure une exception en Afrique


Lecture 2 min.
Paul Biya
Le Président du Cameroun, Paul Biya

Alors que 55 des 57 États membres de l’Union africaine ont reconnu la Palestine, le Cameroun campe sur son refus. À moins de trois mois de la présidentielle du 12 octobre 2025, ce choix diplomatique s’entremêle aux calculs sécuritaires du régime Biya et aux crispations d’une campagne déjà tendue.

Depuis les années 2000, la sécurité intérieure camerounaise repose en grande partie sur la Brigade d’intervention rapide, force d’élite placée sous l’autorité directe de la présidence. Créée et longtemps commandée par d’ex-officiers israéliens, la BIR bénéficie d’un entraînement, d’équipements et de systèmes de surveillance fournis par Tel-Aviv ; elle est devenue la colonne vertébrale de la lutte contre Boko Haram comme de la répression dans les régions anglophones.

Cet appui confère à Israël un levier stratégique : Yaoundé s’abstient quasi systématiquement sur les résolutions onusiennes critiques d’Israël ou favorables aux droits palestiniens, afin de ne pas compromettre l’assistance militaire et technologique jugée vitale par le palais d’Etoudi. Le 12 juin dernier encore, le Cameroun s’est abstenu lors du vote réclamant un cessez-le-feu immédiat à Gaza.

Une équation politique brouillée par la présidentielle d’octobre 2025

Le scrutin du 12 octobre, pour lequel Paul Biya — 92 ans et au pouvoir depuis 1982 — sollicite un huitième mandat, se déroule dans un climat de contestation accrue. L’autorité électorale ELECAM vient d’écarter la candidature de Maurice Kamto, arrivé deuxième en 2018, attisant la colère d’une partie de l’opposition et des organisations civiles.

Dans ce contexte, la direction de l’État redoute qu’un revirement diplomatique sur la Palestine ne fragilise ses soutiens extérieurs les plus fiables — Israël en premier lieu, mais aussi certains partenaires occidentaux engagés dans la coopération antiterroriste.

Les conseillers de Biya considèrent qu’une reconnaissance de la Palestine priverait leur camp d’un argument : afficher une neutralité censée rassurer Washington et Paris, tout en évitant les sanctions ou les coupes dans l’aide sécuritaire. L’exécutif mise donc sur l’inertie jusqu’au lendemain du vote, quitte à se démarquer de l’Organisation de la coopération islamique et de la position unanime de l’Afrique.

Au-delà des discours, la non-reconnaissance de la Palestine par Yaoundé apparaît moins idéologique que transactionnelle : conserver un partenariat sécuritaire qui protège un régime contesté à la veille d’une élection à haut risque. Reste à savoir si, en cas de succession à la tête de l’État, la future équipe jugera ce coût diplomatique encore supportable.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News