
Une directrice sud-africaine déjà suspendue pour corruption a tenté d’acheter le silence d’un journaliste. La scène, filmée en caméra cachée, montre une tentative de pot-de-vin dans un restaurant près du Cap. L’affaire concerne la gestion opaque de marchés publics.
Ce scandale relance les critiques sur l’impunité au sein des institutions.
Un sac Dior rempli de billets
Tebogo Malaka, directrice suspendue de l’Independent Development Trust (IDT), un organisme chargé de projets publics et sociaux, et son porte-parole, Phasha Makgolane, ont été filmés en train de proposer 60 000 rands en liquide (près de 3 000 euros) à Pieter-Louis Myburgh, journaliste au Daily Maverick. L’échange se déroule à la terrasse d’un restaurant près du Cap, le sac de marque Dior posé sur la table, contenant plusieurs liasses de billets.
Selon la vidéo, Mme Malaka cherche à empêcher la publication d’un article compromettant sur ses acquisitions immobilières à Johannesburg et sur sa gestion controversée de marchés publics, notamment liés à la fourniture d’unités de production d’oxygène pour des hôpitaux. « Je veux juste en finir avec cette histoire », peut-on l’entendre dire. Elle affirme également que sa famille souffre des accusations portées contre elle.
Le journaliste refuse le pot-de-vin après l’avoir photographié et affirme qu’on lui a également proposé un accès privilégié à des appels d’offres publics, en échange de son silence.
Des antécédents déjà lourds
L’IDT, qui gère chaque année l’équivalent de 200 millions d’euros de projets publics, était déjà au cœur d’une enquête du Daily Maverick ayant conduit à la suspension de Mme Malaka. Ce nouvel épisode, filmé et rendu public, vient confirmer les soupçons de pratiques frauduleuses persistantes.
Le ministre des Travaux publics, Dean Macpherson, a confirmé le dépôt d’une plainte visant la directrice et son porte-parole. Il dénonce un acte de corruption manifeste et déplore un climat d’impunité solidement ancré dans certaines sphères de l’administration.
Un climat politique fragilisé
Ce scandale éclate alors que le président Cyril Ramaphosa tente de restaurer la confiance dans les institutions. Ces dernières semaines, il a mis en congé le ministre de la Police, accusé de collusion avec le crime organisé, et limogé la ministre de l’Enseignement supérieur, soupçonnée de nominations frauduleuses. Tous deux appartenaient au Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 1994.
Avec un taux de chômage dépassant les 43 % et une place peu enviable au 82ᵉ rang mondial de l’indice de perception de la corruption de Transparency International, l’Afrique du Sud reste confrontée à un défi majeur : prouver que la loi s’applique réellement à tous, y compris aux plus hauts niveaux de l’État et des entreprises publiques.
Une opinion publique en quête de justice
La vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux, a provoqué un tollé. Elle a renforcé la demande populaire pour des réformes profondes. Pour beaucoup de Sud-Africains, cette affaire n’est pas un simple fait divers. Il s’agit plutôt du symbole d’un système miné par le népotisme et les détournements.