Affaire DSK : les Guinéens réagissent


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Qui est la véritable victime dans l’affaire Dominique Strauss-Kahn ? L’ex- patron du FMI où la Guinéenne Nafissatou Diallo, qui a porté plainte pour viol? Des zones d’ombres subsistent. Réactions de Guinéens à Paris.

« Je pensais au départ à un coup monté contre Dominique Strauss Kahn car je me suis dis que c’est trop gros pour être vrai ! ». Comme Bilguissa Diallo, 23 ans, étudiante en Communication, certains Guinéens jusqu’à dimanche pensaient que l’ancien Directeur général du Fond monétaire international (FMI) était victime d’une machination. Mais avec les nouvelles révélations qui ont surgit dans l’affaire, ils sont désormais plus sceptiques.

« J’ai commencé à douter de son innocence lorsque j’ai su que la victime était une de mes compatriotes, affirme Bilguissa. En Guinée on a des valeurs, je ne pense qu’elle ait voulu s’exposer médiatiquement. Sans compter qu’elle se cache pour que l’on ne découvre pas son identité ». « A mon avis, il va rester derrière les barreaux. Ils ne vont jamais le laisser sortir ! », estime-t-elle.

DSK « était toujours en train de draguer les étudiantes dans les amphithéâtres »

Bilguissa rapporte aussi que Dominique Strauss Kahn a été un professeur de sa cousine qui a fait ses études à Sciences Po. Cette dernière, qu’elle a jointe au téléphone dimanche, lui a révélé que « ce comportement ne l’étonnait pas, car il était toujours en train de draguer les étudiantes dans les amphithéâtres en tenant longuement leur main », déclare la jeune femme.

« Je ne cherche pas à savoir qui dit la vérité ! ». Le plus important pour Diaratou Bah, 25 ans, auteur du livre, On m’a volé mon enfance (Anne Carrière, 2006), est de « protéger la victime ». Militante dans une association contre les violences faîtes aux femmes, elle pense que cet type d’affaire « peut arriver à n’importe qui ».

Pour Sanaba Coné Camara, 32 ans, mère de famille, employée dans la restauration, si les faits s’avèrent vrai c’est un véritable drame. « Une femme ne peut pas se relever d’une telle épreuve. En disant cela, je pense à toutes celles qui ont subi des violences sexuelles, le 28 septembre 2009 en Guinée ».

« Mon ami, qui connaît Nafissatou, m’a raconté ce qui s’est passé »

Tidjiane Barry, 33 ans, étudiant en Sociologie politique, pointe du doigt certains hommes politiques français « trop soucieux de protéger DSK et la France». «Je pense que l’on devrait plutôt se soucier de la victime qui vit une terrible épreuve. Pourquoi refuse-t-on de la croire alors qu’il n’est pas à sa première affaire de mœurs ». Il estime qu’ils veulent avant tout la déstabiliser. « J’ai entendu beaucoup de Guinéens dire que s’il s’est permis de faire cela c’est parce qu’elle est africaine et qu’elle ne connaissait pas ses droits ».

« Mon ami, qui connaît Nafissatou, m’a raconté ce qui s’est passé », affirme Mustapha Caba. «Il vit aux Etats-Unis. Je l’ai contacté mardi et il m’a expliqué qu’elle a rencontré un collègue qui sortait de la chambre de DSK et lui a demandé si elle était libre pour qu’elle puisse y faire le ménage. Ce dernier lui a confirmé qu’il n’y avait personne. Lorsqu’elle est rentrée dans la chambre, elle a vu Dominique Strauss-Kahn sortir de la salle de bain. Elle lui a proposé de revenir plus tard. Mais ce dernier a verrouillé la porte et lui a dit qu’elle pouvait rester. Il lui a ensuite fait des avances, elle les a refusé, puis il l’a jeté sur le lit et pour se défendre elle l’a griffé sur le torse avant de s’enfuir ». Pour Mustapha, ce témoignage ne fait que confirmer la véracité des propos de Nafissatou Diallo.

«C’est la victime parfaite»

Christian Thiam, dirigeant sénégalais du site internet Yolele, à New-York, pense que l’opinion publique américaine a pris en majorité le parti de Nafissatou Diallo ». « C’est la victime parfaite, selon lui. Elle est pauvre, africaine, mère de famille face à un homme puissant et riche, le peuple américain a beaucoup de sympathie pour elle ». « Tout cela a eu beaucoup d’impact sur la décision de la Juge qui a refusé de lui accorder la liberté sous caution ».

« Il faut aussi savoir, selon Christian Thiam, qu’ici la population et les médias sont très remontés contre tout ce qui touche au monde de la finance depuis l’éclatement de la crise économique. Dominique Strauss-Kahn, qui était jusqu’à cette affaire méconnu des Américains, fait parti du monde de la finance ». « Sans compter que la France n’est pas le pays le plus aimé aux Etats-Unis, car les Français y sont considérés comme arrogants. Ce qui n’est pas à son avantage », juge-t-il.

« Nafissatou peut avoir dit la vérité tout comme DSK »

Toutefois, nombre des Guinéens interrogés restent nuancés et préconisent la prudence en attendant les résultats de l’enquête. Amadou Bah, 31 ans, ingénieur dans le bâtiment, juge que « Nafissatou peut avoir dit la vérité tout comme DSK, les accusés ne sont pas forcements toujours coupables ». Il estime que l’ancien dirigeant du FMI est peut être victime d’une machination. « On a pu le mettre dans les conditions pour qu’il morde à l’hameçon. J’ai un peu mal pour lui dans la façon dont il a été traité. Mais j’ai aussi une pensée pour ma compatriote ». « Je sais qu’au fond de moi, il s’est passé quelque chose. Il n’y a pas de fumée sans feu », ajoute-t-il.

Même son de cloche pour Aliou Souare, journaliste au sein du site internet Africaguinee, qui pense qu’« il faut procéder avec beaucoup de retenu car on ne sait pas si les faits sont avérés ou non. Selon lui, que la victime soit guinéenne n’est pas la question. La justice américaine a montré dans le passé qu’elle ne plaisantait pas avec ce type d’affaire ». « Ce n’est pas parce que c’est une femme de chambre qu’il doit tout se permettre. S’il a commis un délit, il doit payer ! », s’exclame-t-il.

«Je suis effondrée pour les deux parties»

Assiatou Bah Diallo, rédactrice en chef du magazine de la femme africaine Amina, est aussi très nuancée. « Je suis effondrée pour les deux parties ». « En tant que mère je ne peux que ressentir de la compassion pour Dominique Strauss-Kahn et sa famille, poursuit-elle. Ce qui lui arrive est très douloureux et dans la culture africaine la mort aurait été préférable à un tel sort. Je me mets aussi à la place de Nafissatou Diallo. En tant que femme je ne peux qu’être indignée et outrée si cela s’avère vraie. Car le viol est un acte qui vous souille à tout jamais ».

L’ancien directeur du FMI est en très fâcheuse posture. Sa dernière heure dans le monde politique pourrait bien avoir sonné, si les faits sont avérés.

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