Guinée: la manifestation des forces vives vire au massacre


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Stade de Conakry 28, septembre
Stade de Conakry 28, septembre

Comme annoncé, et en dépit de l’interdiction édictée par les autorités la veille, les forces vives ont pu mobiliser une bonne partie de la population de Conakry lundi 28 septembre au stade de la capitale. Elles voulaient manifester contre la candidature à la Présidentielle 2010 du capitaine Moussa Dadis Camara, le chef de la junte au pouvoir. Mais très tôt, alors que la foule nombreuse avait défoncé les portes du stade, les forces de sécurité ont assiégé les lieux pour disperser les manifestants à coups de matraque, de canon, et de gaz lacrymogène.

Notre correspondant en Guinée

Tout a commencé ce matin aux environs de 8 heures, quand des militants des forces vives (partis politiques, syndicats, associations qui s’opposent à la candidature du capitaine Moussa Dadis Camara à la prochaine élection présidentielle) ont, par petits groupes, rallié le lieu de la manifestation que les organisateurs avaient voulue pacifique. Dans la ville, les rues étaient désertes, les commerces, les stations d’essence, les marchés fermés. Bref, Conakry offrait l’image d’une ville morte. Les endroits stratégiques, notamment les carrefours de la capitale, étaient ceinturés par les forces de l’ordre.

Mais malgré ce dispositif de sécurité fort impressionnant, les populations de Conakry ont massivement répondu à l’appel des forces politiques et sociales. Sur les pancartes, on pouvait lire  » l’armée doit retourner dans les casernes »,  »Dadis doit partir » etc. Vers midi, alors que les leaders politiques et leurs militants avaient déjà fait leur entrée dans le stade, les forces de sécurité ont commencé à disperser la foule à coups de matraques, de fusil et de gaz lacrymogènes. Une manifestante, la quarantaine, que nous avons interrogée au sortir du stade raconte:  » J’ai vu des militaires tirer sur des gens. J’ai vu des gens tomber sous les balles. La croix rouge guinéenne évacuait des morts et des blessés. J’ai aussi vu des militaires percer des gens. J’ai vu beaucoup de choses parce que je suis venue au stade depuis huit heures. Moi je suis prête à mourir pour que nos enfants eux soient libres… »

Nous avons également vu des manifestants aux t-shirt ensanglantés, et des journalistes blessés, saignant. Quant au correspondant d’Afrik.com, il a été pris à partie en compagnie d’un confrère de Guineenews, aux alentours du stade du 28 septembre par un groupe de jeunes en tenue civile, armés de fusils et de matraques. Sans doute une milice.

Un lourd bilan humain

Il faut ajouter que des leaders politiques comme Sidya Touré, Cellou Dalein Diallo, tous deux anciens Premiers ministres, de même que Mouctar Diallo, Jean Marie Doré, François Fall, ont été brutalisés et conduits au camp Alpha Yaya Diallo, siège du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), avant d’êtres évacués vers une clinique de la place.

Au moment ou nous écrivions ces lignes, le calme est revenu dans la cité mais la circulation n’est pas encore rétablie. Concernant le bilan, aucun chiffre officiel n’a encore été avancé. De sources médiatique, on parle d’une dizaine de morts, de plusieurs blessés, et d’un commissariat de la banlieue saccagée. Selon un médecin du CHU de Conakry, 58 cadavres sont arrivés à la morgue lundi. Tous auraient été tués par balles par les forces de l’ordre guinéennes.

Quant à la junte, elle n’a pour le moment fait aucune déclaration officielle sur les événements de ce 28 septembre que beaucoup comparent déjà à ceux de janvier-février 2007.

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