
Le Gabon, souvent présenté comme un véritable « joyau vert » au cœur de l’Afrique centrale, peine encore à s’imposer sur la scène touristique internationale. Malgré une biodiversité exceptionnelle, des parcs nationaux d’envergure mondiale, un littoral préservé et une stabilité politique relative, le pays ne fait pas parti des destinations prisées. Alors que nombre de pays africains ont compris l’importance stratégique d’une identité touristique forte, le Gabon apparaît encore comme une exception… et pas dans le bon sens. Doté d’un patrimoine naturel unique, le pays demeure paradoxalement absent des regards des touristes internationaux. En cause : l’absence d’une marque touristique cohérente, conséquence d’une stratégie jugée hasardeuse et marquée par un manque de professionnalisme.
Un potentiel considérable, mais sous-exploité
Avec plus de 88 % de forêt tropicale, une faune unique et des écosystèmes encore largement intacts, le Gabon a tout pour attirer les amateurs d’écotourisme, de découverte et d’aventure. Le parc national de Loango, où éléphants et buffles viennent fouler le sable blanc, les chutes de Kongou ou encore les paysages spectaculaires de la Lopé pourraient rivaliser avec les destinations écotouristiques les plus réputées au monde.
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Pourtant, la fréquentation touristique reste faible. En cause : une absence de positionnement clair et d’image forte permettant de distinguer le pays sur le marché mondial. Le Gabon peine à définir ce qu’il souhaite incarner : pays d’écotourisme ? destination d’aventure ? sanctuaire de biodiversité ? lieu de détente haut de gamme ?
Le poids d’une identité touristique inexistante
Dans un monde où la concurrence entre destinations est intense, se démarquer est essentiel. Le Rwanda a su le faire avec la marque « Visit Rwanda », le Kenya avec « Magical Kenya » ou encore la Côte d’Ivoire avec « Sublime Côte d’Ivoire ». Le Sénégal de son coté bénéficie d’atouts bien connus : l’hospitalité légendaire (la teranga), l’Île de Gorée, la diversité culturelle, les plages de la Petite Côte, ou encore les parcs naturels comme celui de Djoudj. Là où la stratégie sénégalaise se distingue, c’est dans l’effort de structuration : message clair, identité visuelle unifiée, contenus promotionnels en plusieurs langues, et un travail continu pour améliorer l’offre.
Ces identités visuelles et narratives créent un imaginaire puissant, facilitent la promotion internationale et rassurent les investisseurs. Le Gabon, lui, ne possède pas de marque touristique consolidée. Résultat : une communication dispersée, des initiatives isolées et une visibilité quasi inexistante lors des salons, campagnes internationales ou marchés spécialisés.
Pour de nombreux observateurs, cette différence d’approche illustre une réalité simple : la compétitivité touristique repose autant sur la qualité des sites que sur la capacité à les présenter et à les vendre au monde. « On ne peut pas faire du tourisme au feeling, sans marque, sans stratégie et sans professionnalisation, on reste dans l’amateurisme. »
Ce flou identitaire fragilise l’ensemble du secteur. Les tour-opérateurs internationaux hésitent à investir, faute d’une image claire. Les investisseurs privés se montrent frileux. Et les touristes, eux, ne se sentent pas interpellés.
Des conséquences économiques directes
L’absence de marque unique et lisible n’est pas qu’un simple déficit d’image : elle a un impact économique réel. Sans stratégie claire, les investisseurs peinent à évaluer les opportunités et le pays n’apparaît pas comme une destination prioritaire pour les tour-opérateurs.
Le tourisme gabonais pourrait devenir un moteur de croissance, diversifier l’économie et créer des milliers d’emplois dans l’hôtellerie, le transport, la restauration ou les services. Mais sans identité touristique, il ne peut pleinement décoller, et le pays se prive de revenus considérables.
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« Une destination sans identité claire, c’est une destination qui ne se vend pas. Les entreprises locales, elles, manquent de visibilité et peinent à se positionner sur le marché global. Les emplois potentiels dans l’hôtellerie, la restauration, les transports ou les activités de loisir restent théoriques. ».
Vers une stratégie nationale ?
Il est temps que le pays se lance dans la création d’une véritable marque touristique nationale. Un label qui valoriserait l’écotourisme, la culture gabonaise, la gastronomie et l’hospitalité locale tout en renforçant le positionnement du Gabon comme « pays de nature et d’exception ». Une telle démarche nécessiterait un travail coordonné entre le Gouvernement à travers le Ministère du Tourisme, l’Agence Gabonaise de Développement et de Promotion du tourisme et de l’Hôtellerie, les opérateurs privés et les communautés locales. Elle impliquerait également des investissements en marketing, en digitalisation et en formation. Il s’agit moins d’un choix que d’une nécessité. Le Gabon ne manque ni de ressources ni d’atouts : il manque d’une vision professionnelle capable de transformer ces atouts en véritable produit touristique.
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À l’heure où le tourisme mondial se réinvente autour de la nature et de l’authenticité, le pays a toutes les cartes pour s’imposer… à condition de sortir enfin de l’improvisation. Le défi est immense, mais l’opportunité l’est tout autant. « Pour briller, encore faut-il accepter de construire une lumière. La construction d’une destination touristique ne s’improvise pas, il faut en maitriser les cartes. »
Un défi à relever pour attirer le monde
Alors que le tourisme mondial repart et que la demande pour l’écotourisme explose, le Gabon ne peut se permettre de rester en marge. Construire une marque touristique forte n’est pas un luxe : c’est un impératif stratégique. En l’absence de cette identité, le pays continuera d’être un trésor invisible, admiré de loin mais rarement visité. Avec une marque claire, en revanche, il pourrait enfin prendre la place qui lui revient : celle d’une destination naturelle de premier plan, unique au monde.



