Villa Les Zebboudj : la vente controversée qui rattrape Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France en Algérie


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La résidence de l'Ambassadeur de France en Algérie
La résidence de l'Ambassadeur de France en Algérie

Plus de dix ans après la vente de la villa « Les Zebboudj », propriété de l’État français à El-Biar, les accusations se multiplient dans la presse algérienne contre l’ancien ambassadeur de France, Xavier Driencourt. En cause : une transaction immobilière jugée massivement sous-évaluée et soupçonnée d’avoir bénéficié à des intérêts privés au détriment des Trésors algérien et français.

Sous-évaluation, soupçons de corruption et silence diplomatique? L’affaire de la vente de la villa « Les Zebboudj » par l’ancien ambassadeur de France, Xavier Driencourt refait surface à Alger. Si aucune enquête judiciaire n’est ouverte en France, le dossier met cependant en lumière une zone d’ombre diplomatique et financière entre Paris et Alger.

Une vente officielle mais à prix discutable

Selon les documents publiés au Journal officiel et une réponse du gouvernement français à l’Assemblée nationale, la CIME (Commission interministérielle pour les immeubles à l’étranger) a approuvé, le 22 mars 2011, pouis autorisé en février 2013, la vente du bien de l’État français situé 10, rue Sfindja à El-Biar, d’une superficie de 10 517 m², pour un montant de 500 millions de dinars algériens (soit environ 4,9 millions d’euros à l’époque).

Ce bien, inoccupé depuis le séisme de 2003, avait été inscrit à la cession en 2009 et vendu à une « personne physique de nationalité algérienne ». Officiellement, la procédure a suivi les canaux habituels : évaluation, publicité, avis de la CIME, arrêté ministériel du 6 février 2013.

Mais la presse algérienne avance un tout autre récit : la villa aurait été cédée à un prix très inférieur au marché, à l’homme d’affaires Réda Kouninef, aujourd’hui incarcéré. Les estimations des Domaines pour le quartier d’El-Biar à la même période s’établissaient autour de 230 000 DA/m², quand la vente Driencourt aurait été conclue à 47 500 DA/m² — près de cinq fois moins.

Une sous-évaluation difficile à justifier

L’analyse des repères immobiliers de 2010 à Alger confirme que les prix du mètre carré à El-Biar oscillaient entre 120 000 et 180 000 DA/m², parfois davantage dans les zones proches d’Hydra. Même en intégrant une décote pour la taille exceptionnelle du terrain, la non-constructibilité partielle, ou l’état vétuste du bâtiment après le séisme de 2003, le différentiel reste difficile à justifier.

Une comparaison avec une vente ultérieure, celle d’un terrain voisin de 5 051 m², cédé en 2014 sous le mandat de l’ambassadeur André Parant pour plus de 1,2 milliard de dinars, montre un prix au mètre carré multiplié par cinq en seulement trois ans.

Ces éléments alimentent la thèse d’une évaluation de 2009 manifestement sous-estimée, dont la responsabilité pourrait incomber soit aux services d’expertise français, soit à des interventions extérieures ayant pesé sur le processus de cession.

Soupçons de corruption et silences officiels

Selon certains médias algériens, une commission de 2 millions d’euros aurait été versée à l’ambassadeur Driencourt par Réda Kouninef pour finaliser la transaction, après l’intervention du notaire Salim Becha et du Premier ministre Abdelmalek Sellal, pour lever un droit de préemption émis par la wilaya d’Alger.

Ces affirmations, relayées sur les réseaux sociaux et dans la presse locale, ne sont pas corroborées par des sources judiciaires françaises. Aucune mise en examen ni information judiciaire n’a été ouverte en France. Mais cela ne signifie pas que la question soit incongrue. Seulement l’image du Quai d’Orsay pouvant être abimée, il est sans doute préférable que les vérification se fasse sans publicité.

En effet, la comparaison avec la vente de 2014 et la disparité des prix interroge : comment un bien public d’une telle valeur a-t-il pu être cédé à un prix si bas sans qu’aucune alerte n’ait été émise ni par le Quai d’Orsay ni par la Cour des comptes ?

Si les preuves d’un enrichissement personnel de l’ancien ambassadeur restent à établir, le cas de la villa Les Zebboudj illustre la fragilité du contrôle des actifs français à l’étranger.

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Ali Attar est un spécialiste reconnu de l'actualité du Maghreb. Ses analyses politiques, sa connaissance des réseaux, en font une référence de l'actualité de la région.
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