
La neuvième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 9), qui s’est achevée la semaine dernière à Yokohama, a marqué un tournant décisif dans les relations économiques nippo-africaines. Au-delà des discours officiels, ce sont des initiatives concrètes qui ont émergé, illustrant parfaitement le thème de cette édition : « Co-créer des solutions innovantes avec l’Afrique« .
L’une des rencontres les plus significatives de cette TICAD 9 aura été la réunion parallèle organisée par trois acteurs majeurs du financement : l’Assurance pour le développement du commerce et de l’investissement en Afrique (ATIDI), Mitsubishi UFJ Financial Group (MUFG) et Nippon Export and Investment Insurance (NEXI). Cette alliance tripartite illustre une nouvelle approche japonaise, plus structurée et ambitieuse, pour accompagner les entreprises nippones sur le continent africain.
« Pour libérer le vaste potentiel de l’Afrique, il faut des partenariats ambitieux et des solutions innovantes en matière de gestion des risques« , a souligné Manuel Moses, directeur général d’ATIDI. Cette déclaration résume parfaitement l’enjeu central : transformer la perception de l’Afrique d’un continent à risques en un espace d’opportunités maîtrisées.
Le modèle éthiopien, laboratoire d’innovation
L’exemple de Safaricom Telecommunications Ethiopia Plc (STE) est devenu le cas d’école de cette nouvelle dynamique. Ce projet, qui représente le plus important investissement direct étranger en Éthiopie, démontre comment l’ingénierie financière peut débloquer des secteurs entiers de l’économie africaine.
La participation de Sumitomo Corporation dans ce consortium télécom n’aurait pas été possible sans la police d’assurance contre les risques politiques émise par ATIDI sur dix ans, elle-même adossée à une garantie de réassurance de NEXI. Cette architecture complexe mais efficace permet de couvrir les principaux écueils : expropriation, inconvertibilité monétaire et rupture de contrat.

Au-delà du secteur des télécommunications, ce modèle ouvre des perspectives dans l’ensemble des secteurs stratégiques africains : infrastructures, énergie, transformation numérique. La libéralisation progressive des économies du continent crée autant d’opportunités pour les entreprises japonaises, traditionnellement prudentes mais technologiquement avancées.
La signature d’un protocole d’accord entre ATIDI et MUFG durant la conférence matérialise cette volonté de structurer durablement la présence japonaise en Afrique. Avec un portefeuille déjà solide de 72 polices couvrant des transactions de plus de 5,4 milliards de dollars et des expositions MUFG approchant les 1,86 milliard de dollars, cette collaboration n’en est qu’à ses débuts.
« Notre partenariat avec des organisations comme ATIDI et MUFG nous permet d’assister les entreprises japonaises s’engageant en Afrique« , explique Atsuo Kuroda, Président de NEXI. L’agence japonaise de crédit à l’exportation, devenue actionnaire d’ATIDI en 2023 avec une prise de participation de 14,8 millions de dollars, incarne cette stratégie d’ancrage institutionnel.
L’Afrique, nouveau terrain de jeu géostratégique
Cette montée en puissance de l’engagement japonais s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large. Alors que la Chine domine traditionnellement les investissements en Afrique et que l’Europe peine à renouveler son approche post-coloniale, le Japon propose un modèle alternatif basé sur l’expertise technologique et la gestion rigoureuse des risques.
Les 1,5 trillion de yens d’exposition de NEXI en Afrique (soit environ 30% des exportations japonaises vers le continent) témoignent d’un engagement déjà substantiel. Mais les discussions de TICAD 9 laissent entrevoir une ambition bien plus large : faire de l’Afrique un partenaire stratégique de long terme du Japon.
« Dans le cadre de notre engagement continu à promouvoir le développement durable à travers l’Afrique« , précise Ankit Khandelwal de MUFG, « nous souhaitons trouver des solutions pratiques pour renforcer l’engagement du secteur privé japonais sur le continent. »
À l’heure où l’Afrique représente le dernier grand marché en croissance de la planète, avec une population qui devrait doubler d’ici 2050, les entreprises japonaises semblent avoir trouvé la clé pour transformer leur traditionnel attentisme en offensive stratégique maîtrisée. TICAD 9 aura été le point de départ de cette nouvelle ère de partenariats, où l’innovation financière permet enfin de concrétiser le potentiel économique africain.