TF1+ débarque en Afrique francophone : la télévision gratuite française à l’assaut d’un marché dominé par Canal+


Lecture 4 min.
logo TF1+
logo TF1+

Le géant français de l’audiovisuel TF1 s’apprête à bouleverser le paysage médiatique africain. Après avoir conquis la France, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse, la plateforme de streaming gratuite TF1+ lancera simultanément ses services dans 27 pays francophones d’Afrique dès le 30 juin 2025. Une offensive qui pourrait redessiner les contours d’un marché longtemps dominé par les acteurs nationaux gratuits et les opérateurs internationaux payants.

Dans l’audiovisuel, la taille est clé car elle permet d’amortir les contenus. C’est pourquoi la chaîne française TF1 vise les audiences d’Afrique francophone avec sa plateforme de streaming. Cette expansion est une vision à long terme qui mise sur les plus de 300 millions de francophones que comptera le continent africain d’ici 2050. L’ambition est de faire de TF1+ « la plateforme de divertissement leader sur ces marchés », indique Rodolphe Belmer.

Contrairement à d’autres acteurs qui recherchent une rentabilité immédiate, TF1 adopte une approche patiente. Le groupe mise sur sa force de frappe financière et la diversité de son catalogue – 30 000 heures de contenus incluant films, séries, émissions et programmes jeunesse – pour s’imposer progressivement face aux géants établis.

Une concurrence directe avec Canal+… vraiment ?

L’arrivée de TF1+ en Afrique a ravivé les spéculations sur une nouvelle bataille entre les milliardaires français Martin Bouygues (actionnaire majoritaire de TF1) et Vincent Bolloré (patron historique du groupe propriétaire de Canal+). Pourtant, parler d’une « concurrence directe entre TF1+ et Canal + Afrique », c’est un peu mettre la charrue avant les bœufs, tempèrent les observateurs.

Canal+ reste solidement ancré avec plus de 350 chaînes disponibles, des productions locales établies et même une offre internet via Canal Box. Enfin, le groupe poursuit sa croissance africaine avec le rachat en cours de Multichoice. Enfin e groupe vient de renforcer sa position en signant un partenariat avec Netflix pour distribuer la plateforme américaine dans 24 pays d’Afrique subsaharienne.

Mais la véritable innovation de TF1+ réside dans son modèle économique. Alors que Canal+ propose des abonnements mensuels payants et que Netflix reste une plateforme premium, TF1+ mise sur la gratuité financée par la publicité. Avec une audience moyenne de 33 millions de streamers mensuels et 1,2 milliard d’heures visionnées en 2024 la plateforme a prouvé la viabilité de son modèle.

Ce positionnement pourrait s’avérer particulièrement pertinent en Afrique où le pouvoir d’achat reste limité et où les investissements publicitaires, bien que relativement faibles, sont en forte croissance. Le groupe table sur un CPM (coût pour mille impressions) attractif et une durée publicitaire maîtrisée de 5 minutes par heure.

Les défis d’un continent en mutation numérique

L’expansion africaine de TF1+ ne sera pas sans obstacles. L’accès à internet reste limité dans de nombreux pays, même si la pénétration des smartphones progresse rapidement – elle atteint déjà 45% en Côte d’Ivoire avec près de 12 millions d’utilisateurs. Le cabinet américain Digital TV Research prédit que le nombre d’abonnés africains aux services de streaming augmentera de 125% entre 2023 et 2029.

Mais le principal défi sera l’adaptation aux goûts locaux. Comme l’a souligné Bernard Azria, fondateur du distributeur Côte Ouest Audiovisuel, dans une interview à l’Agence Ecofin, « Dans tous les pays africains où j’ai travaillé, jamais une production locale de bonne qualité n’est battue par un programme étranger« . TF1+ devra donc enrichir son catalogue de productions africaines pour espérer s’imposer durablement.

L’arrivée de TF1+ s’inscrit dans une transformation plus large du secteur audiovisuel africain. Alors que les opérateurs traditionnels comme Canal+ et les plateformes internationales comme Netflix consolident leurs positions par des partenariats stratégiques, l’émergence d’un acteur gratuit de cette envergure pourrait démocratiser l’accès aux contenus premium et favoriser la mise en place de partenarait de coproduction avec des télévisions locales.

Au final, pour les téléspectateurs africains, c’est potentiellement l’accès à des milliers d’heures de programmes français de qualité sans débourser un centime. Pour TF1, c’est l’opportunité de multiplier son audience et ses revenus publicitaires en touchant des millions de nouveaux téléspectateurs. Et pour le marché dans son ensemble, c’est peut-être le début d’une nouvelle ère où coexisteront modèles payants premium et offres gratuites financées par la publicité.

Zainab Musa
LIRE LA BIO
Zainab Musa est une journaliste collaborant avec afrik.com, spécialisée dans l'actualité politique, économique et sociale du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. À travers ses enquêtes approfondies et ses analyses percutantes, elle met en lumière des sujets sensibles tels que la corruption, les tensions géopolitiques, les enjeux environnementaux et les défis de la transition énergétique. Ses articles traitent également des évolutions sociétales et culturelles, notamment à travers des reportages sur les figures influentes du Maroc et de l’Algérie. Son approche rigoureuse et son regard critique font d’elle une voix incontournable du journalisme africain francophone.
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News