Cameroun : Macron reconnaît officiellement la « guerre » menée par la France durant la décolonisation


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Les Présidents français et camerounais, Emmanuel Macron et Paul Biya
Les Présidents français et camerounais, Emmanuel Macron et Paul Biya

Dans une lettre historique adressée à son homologue camerounais Paul Biya, le président français Emmanuel Macron reconnaît pour la première fois le rôle de la France dans la répression sanglante des mouvements indépendantistes camerounais entre 1945 et 1971. Cette reconnaissance fait suite aux conclusions d’un rapport d’historiens remis en janvier dernier.

La reconnaissance officielle des actions menées par la France au Cameroun est contenue dans une lettre du président français Emmanuel Macron adressée à son homologue camerounais Paul Biya, après les conclusions d’un rapport d’historiens mis à la disposition des deux présidents depuis janvier.

Sous la direction de la chercheuse française Karine Ramondy, la commission d’historiens chargée de faire la lumière sur le rôle de la France dans la répression des mouvements indépendantistes camerounais avait remis son rapport au président français le 21 janvier 2025 et au président camerounais Paul Biya le 28 janvier 2025. Après deux années de rédaction, ce rapport avait pour tâche de mettre en lumière le rôle de la France dans la répression des mouvements indépendantistes camerounais entre 1945 et 1971, période durant laquelle des milliers de Camerounais avaient été tués conjointement par l’armée française et les troupes du premier président de la République du Cameroun, Ahmadou Ahidjo.

Il avait été demandé aux membres de la commission par le président Emmanuel Macron d’examiner les « responsabilités respectives des acteurs français et camerounais » dans la répression des mouvements indépendantistes camerounais, y compris après 1960, puisque la France avait continué à s’impliquer largement après l’indépendance du Cameroun. Alors que le collège d’historiens annonçait en 2023 vouloir rendre le résultat de ce rapport plus « visible » et l’inscrire dans les programmes scolaires, l’enjeu final était de faire en sorte que la France reconnaisse enfin son rôle dans cette période sombre du Cameroun.

Une reconnaissance historique mais incomplète

Ruben Um Nyobè
Ruben Um Nyobè

Emmanuel Macron a officiellement reconnu que la France avait mené « une guerre » au Cameroun contre des mouvements avant et après l’indépendance de 1960, marquée par des « violences répressives ». À travers une lettre du 30 juillet dernier rendue publique ce mardi 12 août 2025, le président français est revenu sur l’engagement de la France au Cameroun entre 1945 et 1971.

Dans cette lettre, il « assume le rôle et la responsabilité de la France » dans ce qu’il qualifie désormais de « guerre » au Cameroun. Il ajoute que « les autorités coloniales et l’armée française ont exercé des violences répressives de nature multiple au Cameroun » dans « une guerre qui s’est poursuivie au-delà de 1960, année de l’indépendance, avec l’appui de la France aux actions menées par les autorités camerounaises indépendantes ».

À travers cette reconnaissance, le président Macron a apporté des éclaircissements sur le massacre d’Ekité perpétré dans la nuit du 30 au 31 décembre 1956, où les forces coloniales ont exécuté plusieurs dizaines d’habitants et de membres du parti indépendantiste UPC. La mort de quatre leaders de l’indépendance, dont celle de Ruben Um Nyobe, est aussi assumée, tant il a été tué lors d’opérations militaires françaises.

Malheureusement, selon le président Macron, les travaux des historiens « n‘ont pas permis d’apporter un nouvel éclairage sur la responsabilité » éventuelle de la France dans l’assassinat à Genève en 1960 de Félix-Roland Moumié, icône de la lutte anticoloniale.

Si l’Élysée promet de mettre sur pied un comité franco-camerounais pour assurer la continuité de la recherche historique sur la période coloniale, il faut noter que, bien que symboliquement forte, cette reconnaissance arrive tard et reste incomplète. Elle évoque les exactions sans détailler les responsabilités et n’ouvre pas encore, pour le moment, une voie vers des réparations concrètes.

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Franck Biyidi est diplômé de l'IRIC (Institut des Relations Internationales du Cameroun) je suis spécialiste des relations internationales au sein de la Francophonie et de l'Union Africaine et de tout ce qui touche la diplomatie en Afrique francophone
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