
Le géant africain du divertissement MultiChoice traverse une crise sans précédent avec 2,8 millions d’abonnés perdus en deux ans et 800 millions de rands de pertes opérationnelles en 2025. Confronté à l’inflation galopante, à la concurrence du streaming et aux défis infrastructurels, le groupe mise tout sur son rachat par Canal+ pour 2 milliard de dollars, attendu d’ici octobre 2025.
Pour l’année fiscale 2025 close le 31 mars, MultiChoice présente un bilan contrasté : un profit de 1,8 milliard de rands grâce notamment à la vente de 60% de sa filiale d’assurance NMSIS à Sanlam, mais des pertes opérationnelles ajustées de 800 millions de rands, environ 44,4 millions de dollars, témoignant de la gravité de la crise structurelle que traverse le groupe.
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Cette masque une réalité préoccupante : MultiChoice était potentiellement insolvable en 2024 après une perte de 4,1 milliards de rands, soit 225 millions de dollars, et la perte de 800 millions de rands en bénéfices ajustés reflète la détérioration continue de ses activités principales.
Hémorragie d’abonnés : 2,8 millions de foyers perdus en deux ans
En 2025, MultiChoice a perdu 1,2 million d’abonnés DStv, soit une baisse de 8%, ramenant sa base à 14,5 millions d’abonnés actifs. Les pertes sont équitablement réparties entre l’Afrique du Sud avec 600 000 départs et le reste de l’Afrique également touché par 600 000 résiliations. Sur deux ans, ce sont 2,8 millions d’abonnés qui ont abandonné les services du groupe, une érosion massive qui touche l’ensemble des marchés africains.
Le Nigeria représente un cas particulièrement préoccupant, ayant perdu 1,4 million d’abonnés en deux ans, soit 77% des pertes totales enregistrées dans la région « Reste de l’Afrique ». Cette hémorragie s’est produite avec trois augmentations de prix successives entre 2023 et 2024, illustrant la sensibilité extrême des consommateurs nigérians aux variations tarifaires dans un contexte d’inflation galopante.
Causes multifactorielles de la crise
L’inflation reste élevée dans les marchés clés avec environ 20% en moyenne pondérée, dépassant même 30% au Nigeria et en Angola, créant une pression sur le pouvoir d’achat des consommateurs. En outre, l’impact des changes a été dévastateur avec 5,2 milliards de rands de revenus perdus en raison de la dépréciation des monnaies locales face au dollar américain.
Les activités ont aussi été perturbées par des pénuries d’électricité en Zambie, Zimbabwe et Malawi, des problèmes d’alimentation et de carburant persistants au Nigeria, et des troubles civils au Mozambique. Ces défis infrastructurels s’ajoutent à la disruption numérique causée par la montée du streaming, du piratage et des réseaux sociaux qui ont fondamentalement modifié le paysage du divertissement vidéo, créant une concurrence féroce pour les services traditionnels par satellite.
Showmax : croissance forte mais coûteuse
Showmax affiche une croissance impressionnante de 44% de ses abonnés payants, confirmant l’appétit pour les contenus en streaming sur le continent. Cependant, cette expansion s’accompagne d’investissements colossaux : MultiChoice a injecté 90 millions de dollars (1,6 milliard de rands) dans Showmax, qui a généré des pertes opérationnelles de 146 millions de dollars (2,6 milliards de rands).
Ces investissements incluent la production de 82 séries originales et des partenariats stratégiques avec NBCUniversal pour enrichir le catalogue. L’impact négatif de 2,3 milliards de rands des pertes organiques de Showmax a considérablement affecté la rentabilité globale du groupe, illustrant le dilemme entre croissance future et rentabilité immédiate.
Mesures de redressement et Canal+
Face à cette situation critique, le groupe a réalisé 208,8 millions de dollars (3,7 milliards de rands) d’économies, dépassant largement l’objectif initial de 2,5 milliards de rands. Mais surtout Canal+, qui détient déjà 45% de MultiChoice, a étendu la date limite de son offre d’acquisition au 8 octobre 2025 pour permettre aux autorités réglementaires sud-africaines de finaliser leurs examens. En mai 2025, la Commission de la concurrence sud-africaine a recommandé l’approbation de l’acquisition sous conditions, représentant une étape majeure vers la transaction définitive.
L’offre de Canal+ valorise MultiChoice à 125 rands par action, soit environ 35 milliards de rands (1,96 milliard de dollars). Pour respecter la réglementation sud-africaine limitant la propriété étrangère à 20% dans les entreprises de radiodiffusion, une nouvelle entité « LicenceCo » sera créée, détenue majoritairement par des personnes historiquement désavantagées, avec une participation de Phuthuma Nathi à hauteur de 27%.
L’acquisition par Canal+ apparaît comme une bouée de sauvetage stratégique qui pourrait fournir les ressources financières et l’expertise internationale nécessaires pour naviguer dans ce paysage médiatique en mutation rapide. Pour Canal+, cette transaction serait « transformatrice » dans le cadre de sa stratégie d’expansion en Afrique, particulièrement dans les régions anglophones où le groupe français cherche à établir une présence dominante.