
Détenu depuis près de deux mois, l’opposant tchadien Succès Masra est accusé d’avoir incité à un massacre dans le sud du pays. Ses avocats dénoncent un procès politique et appellent Emmanuel Macron à intervenir pour garantir un minimum d’impartialité judiciaire.
Accusé d’avoir orchestré un massacre dans le sud du Tchad, l’ancien Premier ministre et leader du parti Les Transformateurs, Succès Masra, est en détention préventive depuis près de deux mois. Face à ce que ses avocats qualifient de poursuites « politiques » et « fabriquées », le collectif franco-tchadien qui le défend se tourne désormais vers la France. Dans une démarche inhabituelle, ils en appellent directement au président Emmanuel Macron pour qu’il intervienne en tant que médiateur dans une affaire devenue hautement sensible.
Une détention jugée arbitraire
L’affaire remonte au 14 mai 2025, date à laquelle 42 éleveurs ont été tués à Mandakao. Le ministère public accuse Succès Masra d’avoir incité à ce massacre, s’appuyant principalement sur un enregistrement audio datant pourtant de 2023. Ce document, selon les avocats, appelle simplement à l’autodéfense des populations du sud, alors confrontées à des violences. Aucun lien de causalité n’aurait pu être établi entre cette déclaration ancienne et les tueries survenues deux ans plus tard. Pour les défenseurs de Masra, cette mise en cause ne repose sur aucune base juridique solide.
Les avocats dénoncent une pression politique directe sur le juge d’instruction, qui aurait, selon eux, cédé aux ordres venus du sommet de l’État. Me Vincent Bringarth, avocat du cabinet parisien Bourdon & Associés, regrette le silence des autorités françaises, rappelant que Paris s’était déjà positionné sur des atteintes aux droits humains dans le passé, notamment après le « jeudi noir » d’octobre 2022. Il affirme que la justice tchadienne est « sourde aux arguments rationnels » et que « les recours internes étant épuisés », seule une pression internationale pourrait dénouer l’impasse.
Mobilisation politique et citoyenne au Tchad
Depuis l’arrestation de Masra, ses partisans, en particulier les militantes du parti Les Transformateurs, ne désarment pas. Manifestations, lettres ouvertes, campagnes sur les réseaux sociaux : la mobilisation s’intensifie à N’Djamena. La société civile, quant à elle, voit dans cette affaire une nouvelle illustration de la dérive autoritaire du régime. L’appel à Emmanuel Macron traduit une perte totale de confiance dans les institutions nationales et un espoir que la France, partenaire historique du Tchad, ne reste pas passive.
Malgré la gravité des accusations portées par la défense, Paris garde pour l’instant le silence. Pour les avocats de Succès Masra, ce mutisme équivaut à une forme de complicité tacite. Ils espèrent une réaction rapide de l’Élysée, ne serait-ce que pour garantir à leur client un procès équitable ou sa libération en attendant son jugement.