Tchad : le « décès » éventuel de l’opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh ne surprend pas


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Ibni Oumar Mahamat Saleh
Ibni Oumar Mahamat Saleh

La commission d’enquête sur l’attaque rebelle du 3 février au Tchad a publié son rapport mercredi. Elle évoque le décès du porte-parole de la Coordination des partis pour la défense de la démocratie (CPDC), l’un des trois opposants enlevés lors des évènements et toujours pas libéré. La principale conclusion de la Commission, dont les travaux sont critiqués, n’étonne pas les opposants et les militants des droits de l’homme tchadiens.

L’opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh serait « décédé », selon le rapport de la Commission d’enquête sur l’attaque rebelle du 3 février dernier au Tchad. Le porte-parole de la Coordination des partis pour la défense de la démocratie (CPDC) avait disparu pendant la tentative de la rébellion tchadienne de renverser le régime du président Déby. « Aucune information ou élément de preuve n’ont pu être obtenus sur le sort d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, le seul des opposants politiques enlevés le 3 février à ne pas avoir réapparu. Les gens pensent qu’il serait désormais décédé ». Les conclusions de cette commission, mise en place par la présidence sous la pression de la France, ont été rendues publiques mercredi. Selon elle, Ibni Oumar Mahamat Saleh a été « arrêté à son domicile, à N’Djamena, le 3 février 2008 vers 19h30 (18h30 GMT), par huit éléments des forces de défense de sécurité (…) circulant dans un pick-up Toyota neuf couleur armée ». « Aucune information ou élément de preuve n’ont pu être obtenus sur le lieu ou les lieux de sa détention et les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée », poursuit le rapport. Cependant, « des enquêtes » ont « révélé des lieux de détention non officiels où croupissent des détenus qui échappent à tout contrôle judiciaire ».

Un rapport qui ne semble apporter aucun élément nouveau sur la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh

C’est la première fois qu’un rapport officiel mentionne le décès éventuel de l’opposant qui avait été arrêté en même temps que d’autres leaders de l’opposition tchadienne. L’ancien président Lol Mahamat Choua et le député fédéraliste Ngarlejy Yorongar ont été libérés quelques jours après la tentative de coup d’Etat. L’hypothèse du décès avait déjà été envisagée par l’opposition. « Cette conclusion ne nous étonne pas. On s’y attendait, affirme Jacqueline Moudeina, la présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (ATPDH). Qu’avait-il fait de plus que les autres pour qu’on n’ait même pas la possibilité de le voir ? Seule explication possible : Ibni n’était plus de ce monde. Autrement, on l’aurait libéré comme les autres. » L’ATPDH a été amené à participer à quelques unes des enquêtes menées dans le cadre des travaux de la commission, « mais pas à toutes », précise Jacqueline Moudeina. Interpellée sur les critiques dont le rapport faisait l’objet, la militante des droits de l’Homme s’est gardée de le commenter puisqu’elle ne l’a pas encore parcouru.

Mohamed Saleh, le fils de l’opposant disparu, estime que les conclusions de la commission sont « une parodie pour amuser la galerie ». « C’est la Garde républicaine qui a arrêté mon père sur ordre de Déby. Il a été emmené au palais présidentiel. Il y a été torturé et tué. On veut la dépouille de notre père. », a-t-il affirmé. Le rapporteur du CPDC Salibou Garba pense, lui, que le pouvoir tchadien a trouvé « à travers cette commission, le moyen d’endormir la famille d’Ibni, ses amis politiques, M. Sarkozy, l’UE, l’Union africaine, l’OIF, bref toute la communauté internationale ». Une communauté internationale qui a exprimé son désappointement quant au contenu du rapport par la voix de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et de l’Union européenne(UE). « En dépit du travail rigoureux et minutieux qui a été mené, la manifestation de la vérité n’a pu être faite sur certaines affaires, en particulier sur le cas emblématique de la disparition de l’opposant politique Ibni Oumar Mahamat Saleh », indique dans un communiqué les observateurs de l’OIF et de l’UE au sein de la commission d’enquête.

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