
L’arrivée de Starlink en Afrique du Sud avait ravivé l’espoir d’un Internet stable et rapide pour les zones rurales laissées pour compte. Mais la législation locale et le refus d’Elon Musk de se plier aux exigences du B-BBEE compliquent son déploiement. Entre innovation technologique et souveraineté nationale, le bras de fer entre le géant américain et Pretoria illustre un dilemme africain : comment concilier modernité et équité sociale ?
En Afrique du Sud, l’arrivée discrète mais déterminante de Starlink, le service Internet par satellite de SpaceX, a ouvert une fenêtre d’espoir pour des milliers de foyers privés de connexion stable. Pourtant, cette bouffée d’oxygène numérique est aujourd’hui menacée. Le régulateur sud-africain, l’ICASA (Independent Communications Authority of South Africa), a durci sa position face à l’utilisation non autorisée du service. Résultat : des équipements ont été saisis chez des revendeurs comme IcasaSePush, et de nombreux abonnés ont vu leur connexion brutalement interrompue.
Le salut numérique des zones oubliées
Dans les zones rurales, souvent négligées par les opérateurs traditionnels, Starlink représentait une alternative salutaire. Grâce à des importations parallèles et à l’usage de plans d’itinérance, certains Sud-Africains ont pu contourner l’absence de licence locale pour accéder à Internet. Une pratique certes à la limite de la légalité, mais dictée par la nécessité : celle de s’informer, d’éduquer, de télétravailler, là où les lignes fixes sont absentes et le réseau mobile erratique.
Le cœur du conflit réside dans une exigence bien sud-africaine : la Broad-Based Black Economic Empowerment (B-BBEE). Pour obtenir une licence, les entreprises étrangères doivent céder 30 % de leur capital local à des groupes historiquement défavorisés. Elon Musk, à la tête de SpaceX, a vertement critiqué cette condition, y voyant un frein à l’innovation et une barrière à l’entrée. Refusant de s’y plier, Starlink a préféré suspendre les comptes sud-africains plutôt que de risquer un affrontement juridique.
Un compromis sous haute tension
Face à la controverse, le ministre des Communications, Solly Malatsi, a présenté une proposition de réforme. Son idée : permettre aux géants technologiques de contribuer autrement à l’économie noire sud-africaine, via des programmes d’investissement équivalents à des fonds propres, les EEIP. Une tentative d’ouverture saluée par certains mais jugée trop conciliante par d’autres, notamment dans l’opposition et la société civile, qui dénoncent une porte dérobée offerte à une entreprise étrangère influente.
Le bras de fer entre Starlink et l’Afrique du Sud soulève une question brûlante : comment concilier innovation technologique et souveraineté réglementaire ? Si la modernisation numérique est une priorité nationale, elle ne peut se faire sans un cadre équitable qui profite aussi aux populations historiquement marginalisées. La solution passera sans doute par un dialogue subtil entre exigence sociale et pragmatisme technologique.