
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu, ce jeudi, une décision majeure en faveur de la double championne olympique sud-africaine, Caster Semenya, estimant qu’elle n’avait pas bénéficié d’un procès équitable dans le cadre de sa contestation des règlements de World Athletics.
Si la juridiction ne se prononce pas sur le fond du traitement hormonal imposé aux athlètes hyperandrogènes, cette décision constitue un revers juridique pour la Suisse, accusée de ne pas avoir suffisamment examiné les recours de l’athlète.
Une condamnation partielle mais symboliquement forte
Dans son arrêt, la Grande Chambre de la CEDH a estimé que le Tribunal fédéral suisse avait failli à son obligation de contrôle rigoureux dans l’affaire qui opposait Caster Semenya au Tribunal arbitral du sport (TAS). Ce dernier avait validé les règlements controversés de World Athletics imposant une réduction du taux de testostérone chez les athlètes hyperandrogènes pour pouvoir concourir dans la catégorie féminine.
La Cour condamne ainsi la Suisse à verser 80 000 euros à l’athlète au titre des frais et dépens. En revanche, elle a jugé irrecevables les griefs pour discrimination, estimant qu’ils ne relevaient pas de sa juridiction dans ce cas précis.
« Le combat n’est pas terminé »
Présente à Strasbourg aux côtés de ses avocats, Semenya a salué « un résultat positif » et rappelé que « le combat n’est pas terminé », insistant sur le fait que « tant qu’il y aura de l’injustice, nous nous battrons ». Son équipe juridique entend maintenant étudier les suites possibles, alors que le gouvernement suisse, par la voix de l’Office fédéral de la justice, annonce vouloir analyser en détail les motifs de l’arrêt.
« C’est un grand jour pour le sport et pour les athlètes du monde entier », a réagi Me Schona Jolly, avocate de l’athlète. « Le jugement confirme que les sportifs ont droit à un examen rigoureux des affaires qui mettent en jeu leurs droits fondamentaux. Leur protection est essentielle ». Pour Seema Patel, experte en droit du sport à la Nottingham Law School, la CEDH n’est « pas allée assez loin », mais « a envoyé un avertissement au monde sportif : les droits fondamentaux des athlètes doivent être respectés ».
Une championne sacrifiée au nom des règlements
Caster Semenya, 34 ans, n’a jamais cessé de clamer son refus de suivre un traitement hormonal pour abaisser son taux de testostérone. En conséquence, elle a été exclue des compétitions internationales sur sa distance de prédilection, le 800 mètres. Cette exclusion découle des règlements adoptés par World Athletics en 2018, qui continuent de susciter critiques et controverses. Le ministère sud-africain des Sports a affirmé qu’il poursuivrait ses efforts « pour obtenir justice par tous les moyens disponibles », y compris au sein de World Athletics.
Révélée en 2009 lors des championnats du monde de Berlin, où elle avait conquis l’or, Semenya a vu sa carrière marquée par des interrogations sur son identité de genre et par une lutte constante pour le respect de ses droits corporels et humains. Si la décision de la CEDH ne lève pas les obstacles à son retour en compétition, elle représente un jalon important dans sa longue bataille pour la dignité et l’égalité.