Soudan : « La guerre va continuer », le message sans appel du ministre de la Défense


Lecture 4 min.
Le chaos au Soudan
Le chaos au Soudan

Le ministre soudanais de la Défense, Hassan Kabroun, a écarté toute perspective de cessez-le-feu, affirmant que la guerre contre les FSR « va continuer ». Cette déclaration ferme intervient après la chute d’El-Fasher et alors que les combats se déplacent vers le Nord-Kordofan. Le Soudan s’enfonce dans un conflit sans issue, alimenté par les rivalités régionales.

La perspective d’une accalmie au Soudan a été balayée par une déclaration ferme du ministre de la Défense, Hassan Kabroun. Alors qu’une proposition de cessez-le-feu émanant des États-Unis venait d’être discutée au Conseil de souveraineté, le ministre a affirmé le 4 novembre que la guerre contre les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) allait continuer. Cette décision, qualifiée de « droit national légitime », intervient dans un contexte de forte tension après la chute d’El-Fasher et le déplacement de l’épicentre des combats vers la région du Nord-Kordofan.

Rejet de la trêve et « Préparatifs militaires en cours »

Le discours télévisé de Hassan Kabroun a coupé court aux tentatives de médiation internationales. Bien qu’il ait formulé des remerciements à l’administration américaine pour ses efforts de paix, le ministre a insisté sur l’engagement total de l’armée. « Les préparatifs pour la bataille du peuple soudanais sont en cours », a-t-il déclaré, signalant que le gouvernement du général Abdel Fattah Al-Bourhane n’est pas disposé à négocier un arrêt immédiat des hostilités.

Cette position s’inscrit en continuité avec le rejet antérieur par le général Al-Bourhane des plans de paix internationaux, notamment celui du groupe de médiateurs du « Quad » (Égypte, Arabie saoudite, Émirats arabes unis et États-Unis), qui prévoyait l’exclusion des deux chefs belligérants de la transition politique post-conflit. La guerre, déclenchée en avril 2023, oppose l’armée du général Al-Bourhane à son ancien allié, le chef des FSR Mohammed Hamdane Daglo.

L’horreur d’El-Fasher et le nouveau front du Nord-Kordofan

La détermination de l’armée à poursuivre le conflit est exacerbée par la prise, le 26 octobre, d’El-Fasher par les FSR, dernière grande ville du Darfour qui échappait à leur contrôle. La chute de cette ville, après dix-huit mois de siège, a été suivie d’une multiplication de témoignages « effroyables » d’exécutions, de pillages, de viols et d’attaques contre des civils et des humanitaires. Le général Al-Bourhane a d’ailleurs exprimé sa volonté de « se venger ».

Aujourd’hui, les combats se concentrent sur la région voisine du Nord-Kordofan, notamment autour de sa capitale régionale, El-Obeid. L’intensification des affrontements est dévastatrice : l’ONU a rapporté qu’une attaque dans la région a fait au moins 40 morts.
Face à cette violence, la crise humanitaire s’aggrave. Près de 71 000 civils ont fui El-Fasher, et la ville reste « barricadée » par les FSR, qui bloquent la « livraison d’aide de survie cruciale », selon la représentante de l’ONU chargée des questions humanitaires, Denise Brown.

Une crise « incontrôlable » attisée par les rivalités régionales

La situation au Soudan est devenue « très compliquée », selon la Maison Blanche, tandis que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, exhorte les belligérants à « mettre fin à ce cauchemar de violence », craignant que la crise ne devienne « incontrôlable ». Le conflit a déjà fait des dizaines de milliers de morts et a créé près de 12 millions de déplacés.

La complexité du conflit est amplifiée par un jeu d’influences régionales. Des rapports de l’ONU indiquent que les FSR reçoivent des armes et des drones des Émirats arabes unis, tandis que l’armée bénéficie de l’appui de l’Égypte, de l’Arabie saoudite, de l’Iran et de la Turquie. Bien que toutes ces nations nient toute implication directe, ces rivalités régionales alimentent la guerre et expliquent en partie la difficulté à imposer une trêve, assurant ainsi la continuation des hostilités, comme l’a confirmé le ministre Kabroun.

Maceo Ouitona
LIRE LA BIO
Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News