
Dakar s’est illuminé vendredi après-midi par la ferveur d’un peuple uni autour de ses héros : les Lions de la Teranga. À plus de 4 000 kilomètres, dans la chaleur de Juba, capitale du Soudan du Sud, le Sénégal a frappé fort, très fort. Une victoire sans appel (0-5) face aux Bright Stars, dans un match à sens unique qui confirme les ambitions des hommes d’Aliou Cissé.
A Dakar,
Dans les rues de Dakar, l’ambiance était électrique. Drapeaux, vuvuzelas, chants patriotiques… La victoire a été fêtée. Les cinq buts signés, Ismaïla Sarr (doublé à la 29e et 54e), Sadio Mané (46e), Nicolas Jackson (60e) et Cherif Ndiaye (75e), ont déclenché des scènes de liesse dans tout le pays. Surtout que le match se jouait dans un pays englué dans un conflit. La peur de réactions hostiles après l’épisode de la RDC était bien présente. Il y eut plus de peur que de mal, le peuple soudanais a fait preuve de beaucoup de maturité, de discipline.
À Colobane, un vieux fan ému aux larmes
Assis devant sa télévision depuis le coup d’envoi, Babacar Sagna, retraité de 68 ans, n’a pas manqué une seule action. À la fin du match, les larmes aux yeux, il nous confie : « Ce que ces jeunes font pour notre pays, c’est magnifique. Ce n’est pas juste une victoire, c’est une fierté nationale. J’ai vu beaucoup de générations, mais cette équipe-là… elle a quelque chose de spécial ». Pour Babacar, les Lions n’ont pas seulement remporté un match, ils ont une fois de plus uni un pays souvent divisé par des préoccupations sociales et politiques. Sur l’avenue Blaise Diagne, à Dakar, un groupe de jeunes danse au rythme des djembés.
Parmi eux, Fatou Diop, étudiante en sciences politiques, analyse la portée de cette victoire : « Le football, ici, c’est plus qu’un sport. C’est une expression d’identité. Quand les Lions gagnent, on oublie les problèmes. On se dit que tout est possible. Et puis battre une équipe 5-0 à l’extérieur, ce n’est pas rien ». Fatou insiste également sur la discipline dont a fait preuve le public soudanais, un point souvent ignoré dans les commentaires d’après-match : « Franchement, j’ai été touchée par le calme et le respect des supporters soudanais. On n’en parle pas assez, mais c’est un exemple pour tout le continent ».
Une victoire, mais rien n’est encore joué
Avec cette victoire, le Sénégal reste en tête du groupe B avec 21 points. Mais la qualification n’est pas encore acquise, car la RDC, son principal concurrent, a également gagné contre le Togo (0-1). Tout se jouera mardi contre la Mauritanie. Pape Thiaw, le sélectionneur national, garde la tête froide malgré l’euphorie : « Le score est flatteur, oui, mais il faut rester concentrés. Il nous reste un match crucial à jouer. Il ne faut pas tomber dans le piège de l’excès de confiance. Je suis fier de mes joueurs, mais rien n’est encore fait ». Son message est clair : pas de relâchement. La route vers le Mondial passe par Nouakchott.
Awa Ndoye, vendeuse de tissus, ne cache pas sa joie : « J’ai crié à chaque but ! Quand Sadio Mané a marqué juste après la mi-temps, j’ai renversé mon thé ! (rires) Franchement, cette équipe est bénie ». Pour elle, la qualification est une formalité. Elle prévoit déjà des habits aux couleurs du Sénégal pour la Coupe du monde. « Que les couturiers se préparent ! On va tous s’habiller vert, jaune, rouge ! »
Un supporter au Soudan salue l’hospitalité locale
Mamadou Ba, supporter sénégalais, est très ému, il insiste sur l’attitude exemplaire du public soudanais : « Je suis vraiment touché par la discipline des supporters soudanais. Ils sont polis, sereins, même après une lourde défaite. C’est un peuple très mature. Merci beaucoup Soudan ». Son message, relayé massivement sur les réseaux sociaux, a été salué aussi bien au Sénégal qu’au Soudan du Sud.
Abdoulaye Sow, ex-international sénégalais, aujourd’hui consultant sportif à la radio, a suivi le match. Pour lui, cette victoire est tactiquement révélatrice : « Pape Thiaw a bien préparé son coup. Il a utilisé la vitesse de Sarr pour déstabiliser la défense. Et puis, quand Mané marque dès le retour des vestiaires, ça casse complètement le moral de l’adversaire ». Mais lui aussi reste prudent : « Il faut finir le travail contre la Mauritanie. Ce sera un match piège ».
Dans un contexte socio-économique tendu, cette victoire des Lions arrive comme une bouffée d’air pour le peuple sénégalais. Mardi, tous les regards seront tournés vers Nouakchott. Une victoire offrirait au Sénégal son billet pour le prochain Mondial. Et si l’on en croit la ferveur actuelle, les Lions ne manqueront ni de soutien, ni de motivation.