Sarkozy père et fils, un sain esprit pour l’Afrique ?


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La tendance est à la dynastie politique, craignent les médias français face au cas de Jean Sarkozy. Bien moins frileux, un certain nombre de dirigeants du continent africain organisent de manière active leur succession. Certains « fils de » sont déjà parvenus au pouvoir, et beaucoup échafaudent des plans pour y parvenir. Mais la tâche n’est pas aussi facile qu’il y paraît…

Quand les « fils de » d’Europe et d’Asie ciblent l’Afrique

Fils aîné de l’ancien Président français François Mitterrand, Jean-Christophe Mitterrand fait ses armes africaines comme journaliste de l’AFP en Afrique de l’Ouest, avant de rejoindre l’équipe de son père à la cellule africaine de l’Elysée en 1983. Il en prend la tête entre 1986 et 1992 et gagne le surnom de « Papamadi », qui moque sa filiation. Il est depuis 1993 confronté à sa participation présumée dans le trafic d’armes de l’Angolagate. Le tribunal correctionnel de Paris rendra à ce sujet son verdict le 27 octobre.

Fils de l’ancien Premier ministre britannique Margaret Thatcher (1979-1990), Mark Thatcher est arrêté en 2004 en Afrique du Sud. La justice l’accuse d’avoir aidé au financement d’une tentative avortée de coup d’Etat en Guinée équatoriale, visant à renverser le Président Teodoro Obiang Nguéma pour le remplacer par un opposant en exil, Severo Moto. Après des aveux partiels, il est condamné en 2005 à 3 millions de rands d’amende (380 000 euros) et quatre ans de prison avec sursis. En 2008, lors du procès en Guinée équatoriale du cerveau de l’opération, Simon Mann, ce dernier affirme que Thatcher fils avait été bien plus qu’un simple financeur.

Les « fils de » occidentaux ne sont pas les seuls à trouver leur bonheur en Afrique. Hu Haimeng, fils du Président chinois Hu Jintao, a dirigé de 1997 à 2008 la société Nuctech, basée en Chine, quittant ses fonctions avant que n’éclate l’année suivant en Namibie un scandale de détournement de fonds. Si rien ne permet pour le moment d’accuser directement Hu Haimeng, l’affaire est du moins soigneusement étouffée par la censure chinoise.

Tempête blonde sur la France… La chevelure de Jean Sarkozy, fils du Président français Nicolas Sarkozy, est à la une de tous les médias en France. La chronique de son élection annoncée à la tête de l’Epad, organisme de gestion du quartier d’affaire de La Défense, lui vaut une critique acerbe, y compris d’une partie de la majorité parlementaire. Les accusations de népotisme se sont faites en quelques jours de plus en plus vives, et la presse internationale s’est à son tour emparée du sujet pour moquer le « prince Jean ». Nicolas Sarkozy, qui a lui-même dirigé l’EPAD de 2005 à 2006, se retrouve dans une situation difficile à gérer.

Jean Sarkozy n’est pas le premier fils de président français à entrer en politique. La moitié des enfants de présidents français de la Ve République, et même l’intégralité de leurs descendants mâles ont sauté le pas vers l’action publique, selon le décompte de Slate.fr. Ils n’ont pas toujours réussi à percer pour autant.

Des exemples de réussite

Alibongo.jpgL’ambition de Jean Sarkozy est comparée, par un certain nombre d’acteurs médiatiques et politiques, avec le comportement de plusieurs fils de présidents africains. Actualité oblige, Ali Bongo est l’exemple le plus cité. Son lien de filiation avec feu le Président gabonais Omar Bongo est certes contesté par certains, à l’image du candidat Bruno Ben Moubamba sur son blog, mais Ali a bien bénéficié de son nom pour prendre le pouvoir. Selon l’opposition, il a de plus été aidé pour convaincre les juges constitutionnels de son bon droit par sa belle-mère, également présidente de la Cour constitutionnelle. Comme souvent avec les « fils de », Bongo fils est considéré par beaucoup comme une pâle réplique de son père.

Ali rejoint ainsi le Président de RDC Joseph Kabila dans le club très fermé des « fils de » aux affaires. Kabila fils suit les pas de son père, Laurent-Désiré, en devenant son conseiller militaire lors de la guerre civile contre le dictateur Mobutu Sese Seko. Il reprend le flambeau en 2001, après l’assassinat de Kabila père, et n’est officiellement élu que 5 ans plus tard, en 2006. Il reste critiqué comme un relatif étranger, car, à l’image d’Ali Bongo, il parle français mais ne pratique pas les langues vernaculaires.

Fauregnassingbe.jpgFaure Gnassingbé a lui aussi de qui tenir : son père, Gnassingbé Eyadéma, a pris la tête du Togo en 1967, alors que Faure n’était âgé que d’un an. En 2002, Eyadéma modifie la constitution, afin de permettre à son fils, alors âgé de 35 ans, de pouvoir prétendre à la présidence. Il agit ainsi en bon père de famille puisqu’il meurt en effet d’une crise cardiaque en 2005. Tout comme son père 38 ans plus tôt, Faure prend le pouvoir par un coup d’Etat militaire. Une simple accélération du processus de désignation, selon ses vues.

Des candidatures en attente de validation

Nombreux sont ceux, parmi les présidents africains, qui planifient d’ors et déjà leur succession de façon dynastique. Et on sait que la période de transition post mortem n’est pas facile. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’opposition farouche apparue au Gabon entre les anciens « frères », Ali Bongo et André Mba Obame, après la mort d’Omar. Les ambitions personnelles se font hélas plus fortes que le respect de la mémoire du chef, aussi vaut-il mieux bien préparer son départ.

seifalislam.jpgEn Lybie, la famille de Mouammar Kadhafi est sacrée. Le guide libyen est ainsi entré dans un violent conflit diplomatique avec la Suisse suite à l’arrestation de son fils Hannibal, soupçonné d’avoir molesté des employés de l’hôtel où il résidait. Mais c’est le moins médiatique Seif al-Islam Kadhafi qui semble promis à la succession, parmi les huit enfants de Mouammar. Relativement critique du bilan de son père, il s’est engagé depuis 2007 dans une démarche de réformes. Mouammar Kadhafi s’est ému début octobre du fait que Seif al-Islam ne possède pas encore de poste officiel, estimant que son propre travail s’en trouvait perturbé. Le guide libyen devrait sous peu retrouver la paix de l’esprit.

Le voisin égyptien semble également sur une pente monarchique. L’opposition est persuadée que Gamal Moubarak, fils du Président, se présentera en 2011. Hosni Moubarak laisse tout de même planer un savant doute : peut-être se représentera-t-il lui-même pour un huitième mandat… En 2005, Gamal a dirigé la campagne de réélection de son père. Il occupe par ailleurs un poste au sein du Parti national démocratique (PND).

KarimWade.jpgLe Président sénégalais Abdoulaye Wade manie, avec la même subtilité qu’Hosni Moubarak, l’ambiguïté quant à l’échéance de 2012. Peut-être briguera-t-il un troisième mandat, à l’âge de 87 ans… à moins qu’il ne laisse son ministre de fils, Karim Wade, candidater à sa place. Idrissa Seck et Macky Sall, anciens Premiers ministres, avaient un temps espéré obtenir l’intronisation. Mais le sang importe, pour « Gorgui » (le « vieux » en wolof).

A Brazzaville, le Président congolais Denis Sassou Nguesso pense sérieusement à suivre l’exemple de feu son beau-fils Omar Bongo. Son enfant Denis Christel Sassou Nguesso, responsable du pétrole congolais, est passionné par la sape. Il aime plus largement à impressionner en dilapidant l’argent public. « Kiki » prépare, à la direction du Pôle des jeunes républicains (PJR) un brillant avenir à la tête de son pays.

Quant à Ousmane Tandja, il est encore discret mais devrait bientôt s’afficher au palmarès des « fils de ». C’est du moins l’avis de l’opposition, après le coup de force constitutionnel du président nigérien Mamadou Tandja en août. Selon Libération, il s’occupe depuis Shanghai de développer les relations avec le deuxième partenaire économique du Niger. Il semble que la société Trendfield, dirigée par un Hongkongais et un Français, serve de porte d’entrée aux investissements chinois.

Considérations techniques et morales

Il est important de préciser qu’avant de préparer son héritier à accéder au trône, le dirigeant autoritaire se doit d’assoir sa propre position par la pratique du « tripatouillage de constitution », afin de se libérer de la contrainte d’un nombre limité de mandats. Ce n’est qu’une fois confortablement installé qu’il peut commencer à penser à ses enfants. D’aucuns diront que ce palmarès manque cruellement de femmes. Il semble en effet que la loi salique s’applique de manière implicite dans les tractations de succession.

La pratique népotique n’est bien entendu pas l’apanage des dirigeants africains, et on peut la retrouver sous une forme ou sous une autre dans un certain nombre de pays du Nord, même parmi les plus démocratiques. Pour ne prendre qu’un exemple récent et marquant, George W. Bush doit une majeure partie de sa carrière politique à celles de son père George H. W. Bush, président avant lui, et de son frère Jeb Bush, gouverneur de Floride au moment de l’élection présidentielle de 2000.

Même s’il n’est pas question ici de prétendre établir de comparaisons trop hasardeuses, un point commun remarquable mérite d’être mis en avant dans la défense des « fils de ». Dans une tribune sur les fils Wade et Sassou Nguesso parue sur Afrik.com, au point de vue par ailleurs respectable, Bedel Baouna avance que « c’est un déni de démocratie que de les disqualifier d’avance, sous prétexte qu’ils sont fils de présidents ». Dans une entrevue au Figaro ce vendredi, le Président Nicolas Sarkozy défend son fils Jean en ces termes : « 45 conseillers […] élus au suffrage universel […] ont […] le droit de postuler à un poste d’administrateur à l’Epad. Sauf un ! Et pourquoi ne le peut-il pas ? Parce qu’il est mon fils ».

Crédit photo : Flickr – Jean Sarkozy/ Ammar Abd Rabbo

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