Réserves d’or en Afrique : le Maghreb domine face à la montée des pays subsahariens


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Des lingots d'or
Lingots d'or

Dans un contexte de dédollarisation mondiale et de tensions géopolitiques croissantes, trois pays nord-africains concentrent près des deux tiers des réserves aurifères officielles du continent. Avec 448 tonnes de métal jaune réparties entre l’Algérie, la Libye et l’Égypte, cette hégémonie historique du Maghreb résiste encore aux ambitions des grands producteurs d’or subsahariens, bien que les premiers signaux de rattrapage se dessinent.

Les dernières données du World Gold Council pour le premier trimestre 2025 confirment l’écrasante supériorité du trio maghrébin dans la détention d’or africain. L’Algérie trône en tête avec 173,56 tonnes, suivie de près par la Libye (146,65 tonnes) et l’Égypte (128 tonnes). À elles trois, ces nations contrôlent 67 % des réserves africaines officielles, estimées à 667 tonnes fin mars 2025.

Cette concentration exceptionnelle trouve ses racines dans deux dynamiques complémentaires. D’une part, les revenus pétro-gaziers importants de l’Algérie et de la Libye ont permis la conversion d’une partie des excédents énergétiques en actifs refuges. D’autre part, l’Égypte s’appuie sur un long héritage monétaire, fruit de sa position historique de place bancaire régionale dominante.

Enfin, ces pays développent leurs infrastructures logistiques, avec des projets de nouvelles chambres fortes à Alger, Tripoli et Le Caire pour rapatrier des lingots jusque-là stockés à Londres ou Zurich.

Le classement continental révèle néanmoins quelques surprises. L’Afrique du Sud, pourtant premier producteur mondial d’or pendant des décennies, n’occupe que la quatrième position avec 125,44 tonnes, soit à peine moins que l’Égypte. Cette situation illustre le paradoxe de nombreux pays producteurs qui exportent massivement leur production sans constituer de réserves stratégiques substantielles.

Des signaux de progression de l’Afrique subsaharienne

Le Ghana se distingue toutefois par une progression spectaculaire. Ses réserves ont quadruplé depuis 2023 grâce à une politique volontariste combinant le programme « Gold-for-Oil » et l’obligation faite aux compagnies minières d’allouer 20 % de leur production à la Banque centrale. Cette stratégie place désormais le pays ouest-africain au cinquième rang continental avec 31,01 tonnes.

Les signaux de rattrapage subsaharien se multiplient. Le Nigéria et le Kenya ont officiellement annoncé leur intention d’augmenter significativement leurs achats d’or dans le cadre de leurs stratégies de dédollarisation. Cette tendance s’inscrit dans un mouvement mondial plus large, puisque 76 % des banques centrales interrogées par le World Gold Council prévoient d’accroître leurs stocks aurifères d’ici cinq ans.

Le contexte international joue également en faveur de cette accumulation. Le prix de l’or a atteint un record historique à 3 500 dollars l’once en avril 2025, reflétant la demande croissante des institutions monétaires face aux incertitudes géopolitiques. À l’échelle planétaire, les réserves africaines ne représentent toutefois que moins de 2 % des 35 939 tonnes détenues par l’ensemble des banques centrales selon l’IMF et le WGC.

Les perspectives d’évolution dessinent plusieurs scénarios d’intérêt. Si la cadence actuelle d’achats se maintient, l’Afrique pourrait franchir le seuil symbolique des 1 000 tonnes de réserves d’ici la fin de la décennie. Le rapatriement physique des lingots sur le sol africain devient également une priorité sécuritaire pour plusieurs États. Enfin, l’émergence de monnaies numériques de banque centrale partiellement adossées à l’or constitue un scénario de plus en plus évoqué pour renforcer la confiance monétaire continentale.

Cette course à l’or africaine s’inscrit dans une reconfiguration plus large des équilibres monétaires mondiaux. Alors que les tensions géopolitiques s’intensifient et que les stratégies de dédollarisation se généralisent, le métal jaune s’impose comme la police d’assurance financière incontournable du continent. La question n’est plus de savoir si les pays subsahariens rattraperont leurs homologues maghrébins, mais à quelle vitesse cette convergence s’opérera.

Idriss K. Sow Illustration d'après photo
Journaliste-essayiste mauritano-guinéen, il parcourt depuis une décennie les capitales et les villages d’Afrique pour chroniquer, en français, les réalités politiques, culturelles et sociales de l'Afrique
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