RDC, nouveau naufrage sur la Sankuru : un drame récurrent qui interroge la responsabilité des autorités


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Naufrage d'un bateau sur une plage
Naufrage d'un bateau sur une plage

Le chavirement d’une baleinière, lundi 17 novembre, sur la rivière Sankuru, ayant entraîné la disparition de près de 70 personnes, n’est pas seulement un accident tragique. Il s’inscrit dans une longue série de catastrophes fluviales qui mettent en lumière les failles persistantes de la gouvernance, de la régulation et de la sécurité des transports et particulièrement des transports fluviaux en RDC. Une nouvelle fois, les autorités se retrouvent confrontées au constat d’un système qui peine à protéger la vie des voyageurs.

Combien de drames faudra-t-il pour que les autorités en charge des transports fluviaux en RDC prennent leurs responsabilités ? Combien de morts faudra-t-il pour que des mesures idoines soient prises pour sécuriser les transports sur les fleuves du pays ? Le nouveau drame qui s’est produit sur la rivière Sankuru, ce lundi, est suffisant pour réveiller les autorités congolaises.

Une zone dangereuse connue de tous, mais jamais sécurisée

L’embarcation, partie de Bena Dibele pour Kinshasa, a chaviré en approchant l’embouchure avec la rivière Kasaï, un secteur marqué par des tourbillons violents dont la dangerosité est documentée depuis des années.

Pourtant, malgré leur réputation, aucune balise fixe, signalisation robuste ni mesure de canalisation n’y a jamais été installée. Pis encore, l’épave d’une autre baleinière, chavirée un an plus tôt au même endroit, est toujours coincée dans les remous, symbole saisissant de l’inaction des pouvoirs publics. Ces éléments interrogent : comment expliquer qu’une zone identifiée comme l’une des plus périlleuses du réseau fluvial congolais reste dépourvue d’infrastructures sécuritaires de base ?

La surcharge, un fléau toléré

Selon les premières informations, environ 120 passagers se trouvaient à bord, alors qu’aucune donnée officielle n’existe sur la capacité réelle de l’embarcation. Le manque de contrôle systématique, l’absence d’inspections contraignantes et le laxisme des services fluviaux contribuent à une pratique devenue quasi normale : la surcharge, souvent facteur aggravant dans les naufrages.

Les autorités disposent pourtant d’un arsenal juridique leur permettant de sanctionner les opérateurs, mais les contrôles restent sporadiques, parfois inexistants, et souvent entachés de corruption ou de complaisance.

Un dispositif de secours limité et sous-équipé

Les opérations de recherche, toujours en cours, sont entravées par les tourbillons et le manque de moyens techniques. Les équipes locales ne disposent ni de sonar, ni de bateaux spécialisés, ni de plongeurs professionnels.

Comme lors des précédents naufrages, les secours reposent essentiellement sur des pirogues locales, des volontaires et quelques agents fluviaux improvisés. Cette absence chronique de matériel opérationnel révèle un dysfonctionnement structurel : le secteur fluvial est l’un des moins financés et des moins modernisés du pays, malgré son rôle vital pour des millions de Congolais.

Un drame qui expose les défaillances de la gouvernance

Ce naufrage met à nu une série de responsabilités institutionnelles :

  • absence d’entretien des voies navigables, pourtant annoncée chaque année dans les budgets publics ;
  • carence de contrôles dans les ports secondaires ;
  • défaut de formation des conducteurs et équipes de bord ;
  • ignorance des alertes récurrentes des communautés riveraines ;
  • manque de transparence dans la gestion des services fluviaux.

Le fait que les autorités provinciales se disent « en attente du rapport des services fluviaux » illustre également la réactivité tardive et l’absence d’un système de gestion des risques structuré.

Des morts évitables : l’urgence d’une réforme profonde

Chaque année, les rivières congolaises endeuillent des centaines de familles. Et chaque drame est suivi des mêmes déclarations, des mêmes appels à la prudence, sans que les causes profondes ne soient traitées. À l’issue de ce nouveau naufrage, il est urgent que les autorités congolaises passent des discours à l’action à travers :

  • une réforme profonde du secteur fluvial ;
  • le renforcement du cadre réglementaire ;
  • la modernisation des services de sauvetage ;
  • et la responsabilisation réelle des administrations provinciales et nationales.

Tant que ces mesures resteront théoriques, les fleuves et rivières congolais continueront d’être le théâtre de drames de cette nature.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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