
Le lieutenant-général Philémon Yav Irung a comparu ce vendredi 20 décembre devant la Haute Cour militaire à Kinshasa, après plus de trois ans de détention préventive. Ancien commandant de la troisième zone de défense, il est poursuivi pour trahison et complicité avec l’ennemi dans un contexte de guerre persistante à l’est de la RDC. L’accusation évoque des liens présumés avec des responsables rwandais et des tentatives de sabotage des opérations militaires.
L’ambiance était lourde ce vendredi 20 décembre à Kinshasa. Après trois années de détention préventive à la prison centrale de Makala, le lieutenant-général Philémon Yav Irung a enfin fait face à ses juges. Celui que l’on surnomme le « Tigre katangais » au sein des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) est au cœur d’une procédure judiciaire majeure qui secoue l’appareil sécuritaire du pays. Ancien commandant de la troisième zone de défense, une zone stratégique couvrant sept provinces de l’est et du nord-est, il doit répondre d’accusations de trahison et de complicité avec l’ennemi dans un contexte de guerre persistante.
Une attente de trois ans pour le « Tigre katangais »
Arrêté en septembre 2022, le général trois étoiles a vu son dossier stagner pendant de longs mois avant cette première audience solennelle. La Haute Cour militaire a débuté les travaux par l’identification formelle du prévenu, dont la stature imposante et le passé glorieux sur le terrain contrastent avec sa position actuelle de détenu.
Bien que ses avocats aient immédiatement introduit une demande de mise en liberté provisoire pour permettre au haut gradé de comparaître libre, le tribunal reste focalisé sur la gravité des faits qui lui sont reprochés. Le procès s’annonce long et complexe, la prochaine audience ayant déjà été fixée au 6 janvier 2026 pour le début de l’examen du fond.
L’ombre de Kigali au cœur de l’accusation
Le cœur du dossier repose sur des liens présumés entre l’officier général et le Rwanda, pays accusé par Kinshasa de soutenir la rébellion de l’AFC/M23. Selon l’acte d’accusation porté par l’auditeur général, Philémon Yav Irung aurait entretenu des contacts compromettants avec des officiels rwandais. L’élément matériel le plus troublant cité par l’accusation est un message qu’il aurait transmis au défunt général Peter Cirimwami.
Ce texte proviendrait du secrétaire particulier de James Kabarebe, figure centrale de l’appareil sécuritaire rwandais, et suggérerait une coordination occulte visant à freiner les opérations militaires congolaises. En plus de cette trahison présumée, il lui est reproché d’avoir tenté de décourager ses subordonnés de monter au front dans le Sud-Kivu.
Une vague de purges au sein du commandement
Le procès de Philémon Yav n’est pas un cas isolé, mais semble s’inscrire dans une vaste opération de « nettoyage » au sein de l’armée congolaise. La justice militaire multiplie les procédures contre des officiers de haut rang pour des motifs de lâcheté, de désobéissance ou de violation des consignes. À titre d’exemple, le général de brigade Kasikila Mwendapeke Jean-Marie a également comparu récemment pour des faits similaires.
Parallèlement, dans l’est du pays, plus d’une centaine de militaires et de policiers sont jugés à Kalemie pour avoir abandonné leurs postes lors de la chute d’Uvira début décembre. Cette fermeté judiciaire illustre la volonté du pouvoir central de restaurer la discipline dans une armée souvent critiquée pour ses revers sur le terrain.
Une défense qui dénonce une machination politique
Face à ces accusations accablantes, l’entourage et la défense du lieutenant-général Philémon Yav Irung ne décolèrent pas. Ils dénoncent une « cabale » montée de toutes pièces pour écarter un officier influent et populaire. Selon ses partisans, le général Yav est une victime collatérale des tensions internes au sein du commandement militaire et de la paranoïa qui entoure la crise sécuritaire dans l’Est.
Alors que le ministère public qualifie ses agissements d’actes d’agression contre la République, la défense s’apprête à contester chaque élément de preuve, y compris l’authenticité et l’interprétation des messages téléphoniques. Le dénouement de cette affaire sera un test crucial pour l’indépendance et la crédibilité de la justice militaire congolaise.




