Rage au Maroc : l’absence de gestion des chiens errants à l’origine de drames mortels


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Chiens errants
Chiens errants

Deux décès récents survenus en France et en Angleterre après des séjours au Maroc relancent l’alerte sur la rage. La prolifération incontrôlée des chiens errants dans le pays alimente un risque sanitaire grave et des drames évitables.

La rage, maladie oubliée mais toujours mortelle

Le 25 septembre 2025, un homme d’une trentaine d’années est décédé au Centre hospitalier de Perpignan après avoir contracté la rage lors d’un séjour au Maroc. Le diagnostic, confirmé par l’Institut Pasteur, a suscé une vive émotion, rappelant que cette maladie réputée éradiquée en France reste une menace mortelle.

Quelques mois plus tôt, entre février et juin 2025, une histoire similaire s’était déroulée en Angleterre. Yvonne Ford, une Britannique de 59 ans originaire du comté de South Yorkshire, a été légèrement griffée par un chiot lors de vacances au Maroc en février. Elle a développé les premiers symptômes quelques semaines avant son décès en juin. Ce cas, extrêmement rare dans les pays à statut rabique contrôlé, rappelle que le risque existe dès le moindre contact avec un animal potentiellement infecté, même pour une blessure apparemment bénigne.

Ces deux tragédies illustrent un risque méconnu mais réel pour les voyageurs vers des zones où la rage persiste, et posent des questions importantes sur la prévention et la communication des autorités sanitaires.

Dans le cas français, les informations disponibles indiquent que l’homme présentait des scarifications dans le dos. L’enquête épidémiologique en cours devra déterminer les circonstances exactes de la contamination. Les symptômes se sont manifestés quelques jours après son retour en France, et le diagnostic a été confirmé tardivement. Le personnel hospitalier en contact avec lui a été vacciné à titre préventif.

Dans les deux cas européens, la blessure jugée bénigne a retardé la décision de consulter un médecin, avec des conséquences tragiques.

Les chiens errants au Maroc : un réservoir de la maladie

Le Maroc compte une population importante de chiens errants, estimée jusqu’à à trois millions d’individus selon certaines sources. Ce phénomène n’est pas marginal : les autorités sanitaires marocaines enregistrent plus de 100 000 morsures signalées chaque année, dont une part importante dans les zones urbaines. Le ministère de la Santé marocain rapporte en moyenne 33 cas de rage humaine mortelle certaines années.

Ces chiens vivent souvent dans des conditions précaires, non vaccinés, sans contrôle sanitaire. Dans un tel contexte, ils constituent des vecteurs potentiels pour la rage et d’autres zoonoses.

Au-delà de la rage, des cas d’attaques de meutes sur des personnes ont été rapportés. Ces événements, fortement relayés dans les médias locaux, font état de décès ou de blessures graves liés à ces agressions.

Politique d’abattage versus engagement de gestion raisonnée

Face à cette situation, le gouvernement marocain a été critiqué pour ses pratiques d’abattage, notamment à l’approche d’événements internationaux comme la Coupe d’Afrique des Nations ou la future Coupe du monde 2030. Des associations internationales de protection animale accusent les autorités de tuer massivement des chiens par empoisonnement, tir ou gazage dans plusieurs villes. Des documents présentés au Parlement européen évoquent un plan d’élimination de trois millions de chiens errants.

Les autorités marocaines contestent régulièrement ces chiffres, affirmant que les rapports d’abattages massifs sont isolés ou exagérés. Les associations de protection animale dénoncent ces pratiques comme inhumaines, inefficaces à long terme et contre-productives sur le plan sanitaire : les chiens éliminés sont rapidement remplacés par de nouveaux individus non vaccinés, perpétuant le risque de rage.

Des déclarations du gouvernement contestées

Selon les associations locales et internationales, la seule stratégie durable repose sur le programme TNVR (Trap-Neuter-Vaccinate-Release) : capturer les chiens errants, les stériliser, les vacciner contre la rage, puis les relâcher dans leur territoire. Cette approche vise à stabiliser la population canine tout en créant une immunité collective. La SPA du Maroc et d’autres organisations militent pour cette méthode, plus efficace et éthiquement acceptable.

Selon les annonces gouvernementales, le Maroc aurait investi plus de 100 millions de dirhams (environ 9 millions d’euros) pour renforcer ces dispositifs. Un projet de loi est également en préparation pour structurer légalement la gestion des animaux errants, imposer la vaccination des animaux domestiques et sanctionner les maltraitances.

Toutefois, les associations dénoncent un déploiement insuffisant sur le terrain, une couverture très inégale selon les régions, et la persistance de cas d’abattage non documentés.

Les deux décès survenus en Europe trouvent leur origine présumée au Maroc, où la rage canine persiste parmi les populations de chiens errants non contrôlées. Ces cas rappellent que le risque importé n’est pas théorique : des pays indemnes comme la France ou le Royaume-Uni peuvent voir ressurgir une maladie mortelle par le biais de voyageurs infectés.

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Ali Attar est un spécialiste reconnu de l'actualité du Maghreb. Ses analyses politiques, sa connaissance des réseaux, en font une référence de l'actualité de la région.
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