
Le décès d’Yvonne Ford, une touriste britannique de 59 ans originaire du Yorkshire, illustre de manière tragique la persistance d’un fléau sanitaire au Maroc. Cette résidente anglaise est décédée le 18 juin 2025 dans un hôpital de son pays, quatre mois après avoir été légèrement griffée par un chiot errant lors de vacances au Maroc en février. Sa mort, la septième causée par la rage diagnostiquée au Royaume-Uni depuis 2000, met en lumière les défaillances dans la gestion des chiens errants au Maroc.
Les faits remontent au mois de février 2025. Yvonne Ford, une Britannique de 59 ans originaire du Yorkshire, profitait de vacances au Maroc lorsqu’elle a été griffée par un chiot errant. La blessure semblait insignifiante, et la touriste n’a pas jugé nécessaire de consulter un médecin. De retour en Angleterre, elle a repris sa vie normale sans imaginer que cette rencontre fortuite scellait son destin.
Quatre mois plus tard, les premiers symptômes sont apparus. Maux de tête persistants, troubles de l’élocution, puis paralysie progressive : l’évolution de la rage s’est révélée fulgurante. Malgré les soins prodigués dans un hôpital britannique, Yvonne Ford décédait le 18 juin, moins de deux semaines après l’apparition des premiers symptome. L’Agence britannique de sécurité sanitaire (UKHSA) a confirmé que la mort était bien due à la rage, contractée lors de ce contact apparemment anodin avec l’animal au Maroc.
Un fléau récurrent aux conséquences mortelles
Ce drame s’inscrit dans une série d’incidents similaires qui ont marqué le Maroc ces dernières années. En août 2022, une touriste française avait trouvé la mort après l’attaque d’une meute de chiens errants près de Dakhla. Quelques mois plus tard, en janvier 2023, un enfant de cinq ans décédait des suites de l’attaque d’une meute à Drarga, dans la région d’Agadir. En novembre 2018 déjà, un voyageur britannique était mort de la rage après la morsure d’un chat errant.
Ces incidents révèlent l’ampleur du problème sanitaire que représente la rage au Maroc. Selon les statistiques officielles, la rage canine demeure la principale source d’infection humaine dans le royaume : sur les 17 cas humains enregistrés en 2022, neuf sur dix étaient directement liés à des contacts avec des chiens.
Une population canine difficile à maîtriser
Le problème trouve ses racines dans l’ampleur de la population canine errante. Plusieurs enquêtes de terrain évaluent entre 2 et 3 millions le nombre de chiens sans maître parcourant le territoire marocain, avec une concentration particulièrement importante dans les grandes villes touristiques comme Marrakech, Agadir ou Essaouira.
Cette situation représente un défi majeur pour un pays qui ambitionne d’accueillir 17 millions de visiteurs d’ici 2026 puis la Coupe du monde de football en 2020. L’image de destination touristique de premier plan que cultive le Maroc se trouve régulièrement ternie par ces incidents.
Des initiatives insuffisantes
Conscientes de l’urgence, les autorités marocaines ont lancé depuis 2019 une stratégie basée sur la méthode TNVR (Trap-Neuter-Vaccinate-Return), qui consiste à capturer les chiens errants, les stériliser, les vacciner, puis les relâcher. Cette approche plus éthique que l’abattage massif, a bénéficié d’un financement de 23 millions de dollars américains pour l’ouverture de centres pilotes à Rabat, puis dans 14 autres villes du royaume.
Cette mobilisation officielle trouve un écho puissant auprès de personnalités engagées comme l’actrice franco-marocaine Ouidad Elma. Récemment associée à une campagne de PETA déguisée en « Wonder Woman des rues marocaines« , elle utilise sa notoriété pour sensibiliser l’opinion publique au sort des animaux errants. « L’image du Maroc ne doit pas se construire sur le sang des innocents », plaide-t-elle, rappelant que la tradition islamique elle-même prône la compassion envers les animaux.
Son engagement illustre une prise de conscience grandissante de la société civile, qui complète l’action gouvernementale par des initiatives citoyennes et des campagnes de sensibilisation à l’adoption responsable.
Le programme s’appuie sur un partenariat entre plusieurs ministères, notamment ceux de l’Intérieur et de la Santé, l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) et l’Ordre des vétérinaires. L’objectif affiché consiste à recenser et stériliser systématiquement la population canine errante. Un projet de loi présenté en 2025 vise par ailleurs à encadrer plus strictement la possession de chiens et à fixer des quotas de stérilisation obligatoires pour chaque commune.
Malgré ces efforts considérables, les opérations de contrôle ne couvriraient actuellement qu’environ 15 % du cheptel errant, loin des 70 % de couverture vaccinale canine que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime nécessaires pour interrompre la transmission de la rage.
L’enjeu dépasse largement la seule dimension sanitaire. Dans une économie où le tourisme représente plus de 7 % du produit intérieur brut, la négligence dans la gestion des chiens errants constitue un risque économique majeur. La réputation touristique du pays et sa capacité à attirer les visiteurs étrangers dépendent en partie de sa capacité à résoudre ce problème de santé publique.