
Figure médiatique emblématique en France, Rachid M’Barki a connu une chute brutale avant de rebondir de manière inattendue au Maroc. Accusé d’avoir diffusé des contenus orientés sous influence étrangère, l’ex-présentateur de BFMTV a été écarté du paysage audiovisuel français. Mais loin de disparaître, il revient sur le devant de la scène dans les médias marocains, relançant le débat sur la déontologie journalistique, les ingérences étrangères et la réhabilitation publique. Une affaire aux multiples ramifications, entre scandale éthique, enjeux géopolitiques et résilience personnelle.
Pendant près de deux décennies, Rachid M’Barki a été l’un des visages les plus connus du paysage audiovisuel français. Journaliste respecté, il a fait les beaux jours de BFMTV, notamment à travers ses éditions nocturnes. Pourtant, en 2023, tout bascule : M’Barki est accusé d’avoir favorisé la diffusion de contenus biaisés sous influence étrangère, notamment marocaine. Licenciement, mise en examen, aveux partiels… l’homme qui incarnait l’information rigoureuse se retrouve au cœur d’un scandale mêlant déontologie journalistique et soupçons d’ingérence.
Un licenciement au goût amer
Le début de la descente aux enfers de Rachid M’Barki coïncide avec une enquête interne menée par BFMTV, alertée par des irrégularités dans certains contenus diffusés. Selon Politico, plusieurs sujets passés à l’antenne entre 2021 et 2022 auraient échappé au circuit de validation habituel. Parmi eux, un reportage controversé sur un forum économique à Dakhla, dans le Sahara occidental, où M’Barki aurait évoqué la reconnaissance espagnole du « Sahara marocain ».
Cette formulation était inhabituelle dans les médias français, généralement tenus à une stricte neutralité sur cette question. Rapidement, la chaîne suspend son présentateur vedette. La Société des Journalistes (SDJ) de BFMTV évoque alors de « graves soupçons d’ingérence ». Le groupe Altice, propriétaire de la chaîne, diligente une enquête approfondie, tandis que les réactions en interne sont vives.
L’aveu qui change tout
Les choses s’accélèrent en décembre 2023, lorsque Rachid M’Barki est mis en examen pour abus de confiance et corruption privée passive. Lors de sa garde à vue, il reconnaît avoir perçu de l’argent pour diffuser certains contenus. Des propos relayés par Le Parisien en avril 2024 viennent confirmer la gravité des faits : un « grand nombre de messages compromettants » aurait été retrouvé, attestant de la relation étroite entre le journaliste et ses commanditaires.
Ce scandale fait écho aux soupçons d’influence marocaine sur certains députés européens, dans le cadre d’une autre affaire : le « Marocgate ». Dans les deux cas, la question du Sahara occidental, enjeu diplomatique d’envergure pour Rabat, semble être le fil rouge des tentatives d’influence.
Une carrière brisée… mais pas finie
Alors que sa réputation est sévèrement entachée, Rachid M’Barki choisit de quitter la France début 2024 pour s’installer au Maroc. Un exil qui n’a rien de passif. En quelques mois à peine, l’ancien présentateur retrouve une tribune médiatique : d’abord chez Atlantic Radio, une station détenue partiellement par un groupe lié à la monarchie marocaine, puis, plus récemment, sur Medi 1 TV.
Le 30 août 2025, il apparaît dans une vidéo publiée sur le compte Instagram de la chaîne. Souriant et debout dans une salle de rédaction, il annonce le lancement d’une nouvelle émission matinale quotidienne, axée sur l’actualité nationale, internationale, l’économie et la culture. Il y promet également des interventions de correspondants africains et des invités en plateau.
Une réhabilitation controversée… BFMTV et la question de la crédibilité
Le retour médiatique de M’Barki est diversement perçu. Pour ses soutiens, il serait la victime d’un système trop rapide à condamner, d’un homme pris dans un jeu géopolitique qui le dépasse. Pour ses détracteurs, sa réapparition dans un média marocain, financé en partie par des structures proches du pouvoir, ne fait que renforcer les soupçons pesant contre lui. Le fait que Medi 1 TV et Atlantic Radio soient liées à des entités contrôlées par la famille royale marocaine alimente l’idée que M’Barki aurait été soutenu, voire « récupéré », dans un objectif de communication stratégique.
Dans cette affaire, BFMTV a tenté de se positionner comme victime. La direction a fermement rappelé son attachement à l’indépendance et à l’intégrité journalistique, assurant qu’aucun soupçon ne devait peser sur ses 300 journalistes. Elle a également promis des mesures judiciaires et organisationnelles une fois l’enquête terminée. Cependant, cet épisode a laissé des traces. Il interroge plus largement sur la vulnérabilité des médias face aux pressions extérieures, surtout dans un contexte géopolitique tendu où les batailles d’influence se jouent aussi sur les ondes et les écrans.