Quand le vin devient politique : la volte-face de Jamel Debbouze face à la pression du boycott


Lecture 4 min.
Jamel Debbouze
L'humoriste Jamel Debbouze

Quand une carte des vins allume un incendie politique, ce n’est plus seulement de gastronomie qu’il est question. L’affaire du Dar Mima, restaurant cofondé par Jamel Debbouze, montre à quel point les choix commerciaux peuvent rapidement se transformer en prises de position publiques. Dans un climat où chaque détail peut devenir hautement symbolique, la présence de vins israéliens a suffi à déclencher une tempête. Derrière cette controverse, c’est aussi la question de l’engagement, du silence et de la cohérence qui s’impose à une figure publique très exposée.

En inaugurant Dar Mima en 2023, Jamel Debbouze souhaitait célébrer l’héritage culinaire et affectif de sa mère, Fatima. Niché au sommet de l’Institut du Monde Arabe, le restaurant devait incarner l’élégance d’un Orient rêvé et l’universalité du partage. Mais deux ans plus tard, ce projet personnel s’est retrouvé au cœur d’une tempête médiatique inattendue, provoquée par un élément aussi inattendu qu’apparemment anodin : quelques bouteilles de vin israélien inscrites à la carte.

Ce qui aurait pu rester un simple choix de sommelier s’est transformé en débat brûlant, révélateur des tensions entre identité, politique et commerce. Pressé par la Campagne BDS France (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), le restaurant a discrètement retiré les produits concernés. Une décision perçue comme une reculade par certains, comme un acte de responsabilité par d’autres. Une chose est sûre : elle ne laisse personne indifférent.

Une polémique en fermentation

L’affaire débute au cœur de cet été 2025, dans un contexte géopolitique marqué par une intensification du conflit israélo-palestinien. C’est à ce moment que BDS France découvre la présence de vins israéliens à la carte du Dar Mima. Une lettre est adressée au restaurant le 8 août. Le ton est ferme : la présence de ces vins dans un établissement situé à l’Institut du Monde Arabe est qualifiée d’« incompréhensible » et « choquante ». BDS pointe en particulier l’origine géographique de certaines bouteilles : le plateau du Golan, annexé par Israël en 1981, mais toujours considéré comme territoire syrien par le droit international.

Sans réponse de la part du restaurant, l’organisation décide de publier la lettre. La polémique éclate sur les réseaux sociaux. Le nom de Jamel Debbouze, très associé à l’image du lieu, est rapidement propulsé au cœur du débat. S’ensuivent des accusations de « trahison », des appels au boycott, et une mobilisation en ligne qui oblige le restaurant à réagir, sans pour autant communiquer officiellement. Quelques jours plus tard, les vins sont retirés de la carte.

Un retrait discret, une tension persistante

Cette suppression n’est pas annoncée publiquement, mais constatée par les militants de BDS, qui en prennent acte dans une seconde lettre publiée le 22 août. Le collectif affirme rester vigilant, tout en rappelant que sa démarche vise uniquement à « défendre les droits humains et le droit du peuple palestinien ».

Pour le restaurant, c’est une tentative de mettre fin à une polémique qui menaçait d’éclipser son identité première : un lieu de convivialité et d’hommage familial. Pour les militants, c’est une victoire symbolique. Pour certains fans de Debbouze, en revanche, le mal est fait.

Le silence gênant d’un artiste engagé

Le plus surprenant dans cette affaire reste sans doute l’attitude de Jamel Debbouze lui-même. L’humoriste, habituellement loquace et engagé, n’a pas pris la parole publiquement sur le sujet. Ni communiqué, ni déclaration, ni interview. Un silence qui suscite incompréhension et critiques, notamment de la part de ses fans issus du monde arabe ou sympathisants de la cause palestinienne.

Car Jamel Debbouze n’est pas un entrepreneur comme un autre. Il est une figure médiatique, un symbole multiculturel, un Franco-Marocain qui a toujours valorisé son double héritage. Cette image, construite sur l’idée de pont entre les cultures, semble aujourd’hui mise à mal par cette polémique où le vin devient le catalyseur de fractures bien plus profondes.

Avatar photo
Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News