Présidentielle sénégalaise : retour sur une journée de vote à Paris


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Un policier dans un centre de vote au Sénégal
Un policier dans un centre de vote au Sénégal

Après presque quatre années mouvementées du Président sortant du Sénégal, Macky Sall, et une échéance électorale reportée à 24 heures du début de la campagne électorale du 23 février au 24 mars, on y est !

Le jour J ! Quelques semaines auparavant et la veille aussi, je vérifie comme beaucoup de citoyens si j’ai ma carte électorale. Je la prépare enfin et la mets dans mon manteau choisi en prévision de la pluie qui menace la région parisienne. Mon timing est le suivant : sortir de bonne heure pour me rendre au lieu de vote, à Asnières Gennevilliers, arrêt les Courtilles.

Je quitte la maison vers 7h15 car le centre ouvre ses portes à 8h, mais hélas mon programme de temps de vote est celui de presque tout le monde. A ma grande et demie surprise, beaucoup de citoyens sont dans les transports déjà pour le même objectif : voter tôt et rentrer tôt du fait majeur que c’est la moitié du mois de Ramadan.

Accomplir l’acte civique

On peut entendre dans la foule les langues sénégalaises comme le wolof, le poular, faire écho dans le métro. Une femme proche de moi et frôlant la cinquantaine, drapée du fameux tissu bazin  arbore de manière espiègle le fameux parfum capiteux et oriental qui est Shalimar de Guerlain. Odeur envoûtante qu’un nez averti et amoureux des senteurs peut identifier parmi des centaines de parfums.

Parmi la foule désespérée, un homme ajouta : «  Ces élections nous tiennent à cœur. Une jeune femme dit au téléphone : « je suis en route, ma lenteur à venir est due à la tante avec qui je suis qui traîne ». Sans être devin, on pouvait humer, sentir les tendances de vote. A la sortie du métro, le coup de massue frappe comme une évidence : des lève-tôt nous ont devancé pour accomplir leur acte civique.

Une queue longue comme l’éternité

Les tenues traditionnelles apparaissent pour les femmes et hommes d’un certain âge. L’incontournable thiouraye des femmes (encens africain) vous titille le nez. Les couleurs bigarrées font légion, les hommes armés de leur chapelet égrainent les perles de piété comme une béquille pour s’armer de patience à défaut de jouer son portable. Soudain, une religieuse marquante par sa  robe singulière et sa coiffe est venue accomplir son devoir civique avec un pas déterminé fendant la foule éparse.

Les mêmes sons de cloche résonnent encore : « une queue interminable, c’est incroyable » pour ne citer que ça, étaient le leitmotiv des électeurs dépités, découragés. Mais l’abnégation civique semble l’emporter, chacun se disant : « je suis là, donc je reste pour voter ». On pouvait apercevoir, avec peine, un couple avec un enfant en bas âge tentant de suivre la queue longue comme l’éternité. Une bonne âme charitable leur conseille de demander à passer devant le monde agglutiné pour éviter une souffrance aux deux  enfants qui les accompagnent. Le père de famille, rempli de civisme, hésite à tenter le coup de peur d’être rabroué par des semblables peu humains ou bienveillants.

Un rang humain qui continue de s’allonger

De minute en minute, la queue grossissait tel un anaconda urbain avalant les nouveaux arrivants avec ses anneaux. Un homme lâche à son interlocuteur au téléphone : « Tout le monde est là, tout le monde est sorti pour voter ». Une jeune femme renchérit : c’est abusé ! Et d’autres ajouteront : « c’est quoi ça, et le fameux : hein, hum africain pouvant être traduit par bon sang, put— ».

Le rang humain continue de s’allonger, les impatients dans leur pénitence civique n’ont pas bougé d’un centimètre depuis presque une heure de queue statique. Ils côtoient le bas côté de la route attenant au tramway et la route. Ce qui est risque réel de possible accident si l’un venait à tomber près de la route ou voie ferrée. Les salutations se font entendre avec les patronymes de ses amis que l’on croise : « Diop, Ndiaye… » comme un signe de respect séculaire.

Volonté avortée de pouvoir voter

Tout un chacun filme, tik-tok, Snapchat avec son téléphone pour immortaliser cet instant quinquennal et être acteur d’un vote que beaucoup annoncèrent comme historique. Une élection tant attendue et surtout décriée. Le cas des non-inscrits volontairement par l’État craignant un vote sanction comme la politique traditionnelle des années 60 à ce jour.

Le soleil est présent pour le moment. Parfois, on voit des retours de la file, queue où des personnes semblent découragées, et qui quittent le lieu. Se dirigeant vers le point de départ qui est la bouche de métro. Affichant ainsi un abandon de sa volonté avortée de pouvoir voter et par désespoir d’attendre indéfiniment pendant des heures. L’organisation est sans appel : « c’est une honte, on se moque de nous. Nous des milliers à faire la queue ». Ces mots assassins sortaient de toutes les bouches à l’unisson.

Espoir d’entrer dans le lieu de vote

Après une heure et demie d’immobilisme pédestre, comme un soulagement, un léger mouvement se fait dans le sens de la porte de vote. On a gagné à peine 2 mètres qui semblent être un km de gagné. Le temps ne nous appartient pas et on prend son mal en patience. Démontrant un signe manifeste de résilience nationale et patriotisme. Une lourde attente de presque quatre heures pour espérer entrer dans le lieu de vote.

Il est 11h20 et les corps s’alourdissent et les éléments comme le vent, le froid nous accablent. Les resquilleurs et esprits se croyant malins tentent et réussiront à passer devant vous sans honte et remords. La file est une queue de serpent qui commence à montrer sa tête donc une course presque finie. La présence de la police est nécessaire sans oublier les vigiles. Une ligne d’entrée a été créée pour faciliter l’accès aux personnes âgées et parents accompagnés d’enfant.

La progression se fait soudainement plus rapide. On y est presque. Le lieu de vote est le gymnase Tedy Riner (judoka le plus décoré de l’histoire) qui est entouré par une piste d’athlétisme laissant augurer que le vote est un combat et une course

Il est 11h30, j’arrive enfin à rentrer et m’oriente vers mon bureau de vote. Je présente ma carte d’électeur à l’assesseur et on m’invite à prendre sur la table une enveloppe et les fiches des candidats à la magistrature suprême, dont les ténors sont Amadou Ba, Khalifa Sall, Bassirou Diomaye Faye, Idrissa Seck. Je pénètre ensuite dans l’isoloir et choisis mon candidat dans l’anonymat.

Aussitôt après avoir voté, je quitte le centre de vote et attends avec impatience les résultats du gagnant. Les électeurs débâtaient sur la désir d’avoir le meilleur Président pour l’intérêt du Sénégal pour les 25, 50 ans à venir, car le Sénégal a les moyens de son propre développement grâce à l’exploitation du gaz et du pétrole suscitant tant d’envies nationales et internationales.

Aux dernières nouvelles, le candidat Bassirou Diomaye Faye est provisoirement vainqueur de l’élection. Il a été félicité par le candidat de la coalition au pouvoir, Amadou Bâ.

Par Badara Diouf

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