Présidentielle en Guinée : la DGE au cœur de la tempête politique


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drapeau Guinée

La désignation de la Direction générale des élections (DGE) pour organiser la présidentielle du 28 décembre provoque une onde de choc en Guinée. L’opposition dénonce une violation de la Constitution et un risque de manipulation du scrutin. Le gouvernement, lui, parle d’une mesure transitoire pour éviter le vide institutionnel.

En Guinée, la décision du gouvernement de confier l’organisation de la prochaine présidentielle à la Direction générale des élections (DGE) a déclenché une vive controverse. Alors que le scrutin du 28 décembre 2025 doit marquer la fin de la transition militaire, de nombreuses voix dénoncent un « déni de la Constitution » et une menace pour la crédibilité du processus électoral.

La DGE désignée malgré la Constitution

C’est à Conakry, lors d’une conférence de presse, que le ministre de l’Administration du territoire a officialisé la nouvelle : la DGE sera l’organe chargé d’organiser la présidentielle de décembre. Une annonce qui surprend, voire choque, une partie de la classe politique. En effet, l’article 52 de la Constitution adoptée en 2023 prévoyait explicitement la création d’un organe électoral « techniquement indépendant » de l’exécutif. Or, la DGE, structure rattachée au ministère de l’Administration du territoire, dépend directement du gouvernement de transition.

Pour Mamadou Sylla, chef de file de l’opposition, cette décision « va à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la Constitution ». Selon lui, « la DGE n’offre aucune garantie d’impartialité » et risque de compromettre la transparence du scrutin.

Une justification gouvernementale sous tension

Face aux critiques, le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, a tenté d’apaiser les inquiétudes. Il explique que la DGE continuera d’assurer la supervision des scrutins « jusqu’à la mise en place complète des institutions prévues par la Constitution ».
« C’est une période transitoire, a-t-il précisé. La DGE dirigera toutes les élections jusqu’à l’adoption de tous les textes et la création de l’organe électoral indépendant. »

Selon lui, il s’agit d’une mesure pragmatique destinée à éviter un vide institutionnel à la veille du scrutin. Mais pour beaucoup, cet argument ne convainc pas. Les partis d’opposition y voient surtout une manœuvre du pouvoir pour garder la main sur le processus électoral.

Colère de l’opposition et de la société civile

Les réactions n’ont pas tardé. Plusieurs formations politiques ont menacé de boycotter le scrutin si le gouvernement ne revient pas sur sa décision. Le Collectif pour la Démocratie et la Transparence Électorale (CODET) a, de son côté, dénoncé une « violation flagrante de la Constitution » et appelé à une « mobilisation citoyenne » pour exiger le respect de la loi fondamentale.

« Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement une élection, mais la restauration de la confiance du peuple guinéen dans ses institutions », souligne le mouvement dans un communiqué.

Une présidentielle cruciale pour la transition

Depuis le coup d’État militaire de septembre 2021, la Guinée vit sous un régime de transition conduit par le général Mamadi Doumbouya. La présidentielle de décembre 2025 est censée marquer le retour à un pouvoir civil et la fin de cette période d’exception.
Mais cette nouvelle controverse pourrait fragiliser le processus. Certains observateurs craignent déjà un climat de méfiance généralisée, voire une escalade des tensions politiques à l’approche du vote.

Sur le plan financier, le gouvernement entend assumer seul les coûts du scrutin. « L’État guinéen se réapproprie sa souveraineté dans ce domaine », a déclaré Ousmane Gaoual Diallo. Aucun chiffre précis n’a été communiqué, mais le porte-parole affirme que « la Guinée ne fera pas appel à l’aide extérieure », préférant mobiliser ses propres ressources.
Cette volonté d’autonomie financière, saluée par certains comme un signe de souveraineté, est jugée par d’autres comme un risque supplémentaire d’opacité dans l’organisation des élections.

Une étape décisive sous haute surveillance

Les partenaires internationaux, CEDEAO, Union africaine et Nations unies, suivent de près l’évolution de la situation. Tous ont déjà joué un rôle majeur dans la médiation entre la junte et les acteurs politiques guinéens depuis 2021.

Leur réaction à la désignation de la DGE pourrait être déterminante pour la suite du processus électoral. Si la Guinée échoue à garantir un scrutin crédible, la transition démocratique pourrait perdre toute légitimité, ravivant le spectre d’une nouvelle crise politique.

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