Maurice secouée par l’atterrissage controversé d’un jet privé malgache


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Avion avec train d'atterrissage sorti
Avion avec train d'atterrissage sorti

L’atterrissage d’un jet privé venu de Madagascar, transportant plusieurs proches d’Andry Rajoelina, provoque une onde de choc à Maurice. L’autorisation de vol, accordée dans des conditions floues, suscite de vives critiques du gouvernement mauricien. Une enquête interne a été ouverte pour déterminer les responsabilités et les éventuelles complicités administratives.

Un vol nocturne venu de Madagascar plonge Maurice au cœur d’une controverse politico-diplomatique. Dans la nuit du dimanche 12 octobre, un jet privé appartenant au groupe Sodiat a atterri à l’aéroport international de Plaisance avec à son bord plusieurs figures malgaches, dont l’ancien Premier ministre Christian Ntsay et l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga, proche du président déchu Andry Rajoelina. Les conditions floues de cette arrivée ont aussitôt déclenché une tempête politique à Port-Louis.

Une autorisation accordée dans la confusion

Selon les révélations du Premier ministre mauricien par intérim, Paul Bérenger, l’autorisation d’atterrissage a été accordée dans des « circonstances à peine croyables ». Initialement justifiée par une évacuation médicale, la demande aurait ensuite été modifiée pour des raisons touristiques avant d’être validée in extremis à 00 h 13, soit quelques minutes avant l’atterrissage du jet à 00 h 44.

Problème : l’appareil aurait décollé d’Antananarivo sans feu vert officiel, forçant la main des autorités mauriciennes en invoquant une urgence de carburant. « La vie des passagers ne pouvait pas être mise en danger », a reconnu Bérenger, tout en dénonçant un manquement grave aux règles aéronautiques.

Des personnalités controversées à bord

Les passagers du jet n’étaient pas de simples touristes. Christian Ntsay, ancien chef du gouvernement malgache, et Mamy Ravatomanga, homme d’affaires au cœur de plusieurs enquêtes passées, figuraient parmi eux. Si le premier a rapidement quitté Maurice à bord d’un vol commercial, le second demeure encore sur le territoire mauricien, sa demande de départ étant examinée par la Financial Crimes Commission (FCC).

Les autorités locales ont confirmé que tous les bagages avaient été inspectés, sans incident notable. Néanmoins, la présence de ces personnalités jugées « sensibles » au moment même où Madagascar traverse une crise politique aiguë soulève des interrogations sur les motivations réelles de ce déplacement.

Enquête interne et zones d’ombre

Le gouvernement mauricien a ouvert une enquête interne, dirigée par le secrétaire du Cabinet, Suresh Seeballuck, afin d’éclaircir les circonstances exactes de l’atterrissage. Les premières conclusions pointent des irrégularités dans le traitement du dossier par Jet Prime Ltd, la société qui gère les jets privés à Maurice.

Cette filiale d’Airports Holding Ltd, déjà critiquée pour son manque de transparence, est soupçonnée d’avoir facilité l’accueil des passagers malgaches en dehors des procédures normales. « La façon de fonctionner de Jet Prime doit être revue complètement », a insisté Paul Bérenger, évoquant un système à revoir en profondeur.

Des sanctions possibles

Le Premier ministre par intérim n’a pas exclu de possibles poursuites judiciaires contre les responsables. « S’il faut sanctionner, on sanctionnera. La loi n’a pas été respectée », a-t-il déclaré en conférence de presse, soulignant la nécessité d’une enquête « complète et rigoureuse ».

Il a également affirmé que Maurice « ne sortira pas du cadre légal » et qu’aucune ingérence politique ne serait tolérée dans la gestion de l’affaire. Le rapport d’enquête, attendu dans les prochains jours, devrait permettre de déterminer les responsabilités, aussi bien administratives que politiques.

Une affaire à forte dimension diplomatique

Cette controverse survient alors que Madagascar est plongé dans une transition délicate après la destitution du président Andry Rajoelina. Le colonel Randrianirina doit prêter serment comme président par intérim, dans un contexte de tensions internes et d’instabilité institutionnelle.

Maurice, qui suit la situation « heure par heure », selon Paul Bérenger, prône la prudence et la non-ingérence. Mais l’épisode du jet privé illustre combien la crise malgache déborde désormais les frontières de la Grande Île, jusque dans les couloirs de Port-Louis.

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Fidèle K est journaliste et rédactrice spécialisée, passionné par l'Afrique et ses dynamiques politiques, culturelles et sociales. A travers ses articles pour Afrik, elle met en lumière les enjeux et les réalités du continent avec précision et engagement.
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