
En fixant la présidentielle au 28 décembre, Mamadi Doumbouya accélère la transition politique en Guinée. Mais derrière l’annonce, les doutes persistent : l’opposition est fragilisée, la société civile dénonce une confiscation du processus et la nouvelle Constitution ouvre la voie à une candidature du chef de la junte.
En Guinée, le calendrier politique s’accélère. Le président de la transition, Mamadi Doumbouya, a annoncé ce 29 septembre que l’élection présidentielle se tiendra le 28 décembre 2025. Cette annonce, faite au lendemain de la validation par la Cour suprême de la nouvelle Constitution, marque une étape décisive dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel. Mais elle soulève aussi de nombreuses interrogations sur les ambitions réelles du chef de la junte.
Une transition qui s’accélère
En une semaine à peine, la Guinée a connu une série d’événements politiques majeurs : proclamation des résultats du référendum constitutionnel, promulgation de la nouvelle Loi fondamentale, adoption d’un code électoral et fixation de la date de la présidentielle. Rarement dans l’histoire politique du pays un tel enchaînement aura été aussi rapide.
Cette nouvelle Constitution, approuvée officiellement par 89 % des votants, instaure un mandat présidentiel de sept ans renouvelable une fois. Elle ouvre surtout la possibilité, jusqu’alors interdite, pour les membres de la junte de se présenter à l’élection.
Officiellement, Mamadi Doumbouya ne s’est pas encore déclaré candidat, mais le texte semble taillé pour lui.
Une opposition affaiblie et méfiante
Les partis d’opposition traditionnels, de l’UFDG de Cellou Dalein Diallo au RPG d’Alpha Condé, peinent à se relever de la répression et des divisions internes. Plusieurs leaders sont en exil, d’autres sous surveillance. Dans ce contexte, la société civile dénonce une « confiscation du processus » et doute de la sincérité du scrutin annoncé.
À Conakry, beaucoup rappellent le chiffre contesté de 92 % de participation au référendum du 21 septembre, largement jugé irréaliste au regard de la faible affluence observée dans plusieurs bureaux de vote. Amnesty International, tout en saluant l’accélération du calendrier, déplore le maintien d’un climat de répression et d’absence de liberté d’expression.
Entre légitimité internationale et risques internes
La Guinée, premier exportateur mondial de bauxite et détenteur du gigantesque gisement de fer de Simandou, attire l’attention des investisseurs étrangers, notamment chinois. Pour Doumbouya, organiser une élection avant la fin de l’année permettrait de gagner une reconnaissance internationale minimale et d’apaiser la pression des partenaires régionaux et occidentaux.
Mais sur le plan interne, la situation reste fragile. Les scrutins passés en Guinée ont souvent été synonymes de violences post-électorales. Un passage en force de Doumbouya pourrait rallumer ces tensions, surtout si sa candidature se confirme.
Une sortie de transition encore incertaine
La Guinée est à un tournant. Depuis l’indépendance, chaque chef d’État a fini par confisquer le pouvoir au nom d’idéaux démocratiques ou révolutionnaires. Le scrutin du 28 décembre représente une chance historique de rompre avec ce cycle. Reste à savoir si Mamadi Doumbouya choisira de respecter ses engagements initiaux, ou s’il inscrira son nom dans la longue tradition des transitions guinéennes avortées.