
À l’heure où les réseaux sociaux façonnent une grande partie du débat public, la Côte d’Ivoire fait une nouvelle fois face aux ravages de la désinformation. Un enregistrement frauduleux imitant un journal de Radio France Internationale (RFI) s’est propagé sur Internet, semant la confusion autour de la Présidentielle.
Alors que la Côte d’Ivoire attend la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle, un épisode troublant vient à nouveau illustrer la puissance de la désinformation dans le paysage politique. Donné largement vainqueur par les résultats provisoires avec 89,77% des voix, le Président sortant Alassane Ouattara se dirige vers un quatrième mandat. Mais, à peine les résultats de la Commission électorale indépendante (CEI) publiés, un faux journal audio affublé du logo de Radio France Internationale (RFI) s’est propagé à grande vitesse sur les réseaux sociaux, semant confusion et méfiance.
Un faux journal audio imitant RFI
Ce montage sonore, d’une minute et quatorze secondes, combine des éléments vrais et faux pour créer l’illusion d’un bulletin authentique. La séquence débute par un extrait réel d’un journal Afrique de RFI, présenté par le journaliste Sébastien Duhamel. Mais très vite, une autre voix masculine, inconnue, intervient pour annoncer que Laurent Gbagbo aurait appelé Alassane Ouattara pour le féliciter de sa réélection.
Cette affirmation est totalement inventée. RFI a immédiatement démenti être à l’origine de ce contenu, dénonçant une usurpation de son identité et une manipulation grossière. La différence de qualité sonore entre la voix d’origine et celle ajoutée trahit d’ailleurs le montage. Pour renforcer la crédibilité de cette infox, ses auteurs ont ajouté une photo décontextualisée : un cliché où l’on voit Laurent Gbagbo serrer la main d’Alassane Ouattara, pris le 27 juillet 2021 lors d’une rencontre au palais présidentiel d’Abidjan. L’image, diffusée par l’agence Reuters, n’a aucun lien avec le scrutin de 2025.
Une désinformation symptomatique d’un climat de méfiance
Cet incident s’inscrit dans un contexte déjà tendu. La période post-électorale, marquée par l’attente des résultats définitifs, est souvent propice à la propagation de rumeurs et de contenus trompeurs. Selon l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), plus de 1 500 cas de désinformation ont été recensés au premier semestre 2025 en Côte d’Ivoire. Les manipulations prennent diverses formes : faux communiqués officiels, images retouchées, vidéos truquées ou publications usurpant l’identité de médias reconnus.
L’Agence ivoirienne de presse (AIP) a d’ailleurs dénoncé récemment l’usage abusif de son nom par des pages Facebook diffusant de fausses informations sur le processus électoral. Un expert ivoirien de la communication politique rappelle que « les périodes de tension électorale sont des moments de forte vulnérabilité, car les citoyens cherchent des certitudes, et les faussaires exploitent ce besoin ».
La mécanique du faux : usurpation et émotion
Le succès de ce type de contenu repose sur deux leviers : l’usurpation d’autorité et l’appel à l’émotion. En imitant un média international reconnu pour sa crédibilité, comme RFI, les auteurs s’assurent que leur message semblera immédiatement fiable. Puis, en associant ce message à une figure emblématique comme Laurent Gbagbo, ils déclenchent curiosité, surprise et réactions émotionnelles, ce qui favorise le partage viral. Face à la multiplication des manipulations, plusieurs structures ivoiriennes et internationales redoublent d’efforts. L’ANSSI forme des communicateurs publics pour identifier et contrer les infox en temps réel.
Le Réseau des Professionnels de la Presse en Ligne de Côte d’Ivoire (REPPRELCI) a lancé le projet LUCIDE, destiné à renforcer le fact-checking et à sensibiliser les citoyens à la vérification des sources. La CEI a, pour sa part, porté plainte contre un site web pour diffusion de faux résultats électoraux avant l’annonce officielle. Enfin, les autorités locales, comme le préfet de Yamoussoukro, ont appelé les populations à « la prudence et à la responsabilité dans le partage d’informations ».





