RFI et France 24 suspendus pour trois mois au Togo : une décision qui relance le débat sur la liberté de la presse en Afrique


Lecture 5 min.
France 24 et RFI
Logos de France 24 et RFI

Le Togo a suspendu pour trois mois RFI et France 24, accusés par la HAAC de diffuser des contenus « tendancieux » portant atteinte à l’image du pays. France Médias Monde a dénoncé une décision surprise, réaffirmant son respect des règles journalistiques. Cette mesure s’inscrit dans une tendance croissante en Afrique, où plusieurs pays restreignent les médias internationaux au nom de la sécurité nationale ou de la souveraineté médiatique.

Au Togo, la suspension des diffusions de Radio France Internationale (RFI) et de la chaîne France 24 pour une durée de trois mois a suscité de vives réactions au sein de la communauté médiatique internationale. Annoncée ce lundi 16 juin 2025 par la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), cette décision repose, selon le régulateur togolais, sur des manquements professionnels liés à plusieurs émissions jugées « inexactes, tendancieuses, voire contraires aux faits établis », qui auraient porté atteinte à « la stabilité des institutions républicaines et à l’image du pays ».

France Médias Monde, maison mère des deux médias concernés, a réagi dans un communiqué, affirmant avoir « appris avec surprise la suspension sans préavis de leur diffusion ». L’entreprise réaffirme par ailleurs son « attachement indéfectible aux principes déontologiques du journalisme », tout en exprimant son soutien à ses équipes. Elle assure également que les contenus diffusés respectent scrupuleusement la convention signée entre France Médias Monde et la HAAC.

Une tendance continentale à la restriction des médias internationaux

Ce n’est pas la première fois que des médias internationaux, notamment francophones, se heurtent aux autorités en Afrique. Cette suspension, bien que temporaire, s’inscrit dans un contexte où la liberté de la presse est de plus en plus mise à l’épreuve sur le continent. Plusieurs pays africains ont, ces dernières années, pris des mesures similaires à l’encontre de médias étrangers, invoquant souvent des raisons de sécurité nationale ou d’atteinte à la souveraineté.

La décision togolaise renvoie à d’autres cas survenus récemment dans divers pays africains, où les autorités ont choisi de suspendre ou d’interdire certains médias étrangers. Si les motifs invoqués diffèrent, la finalité semble converger vers un contrôle accru de l’information et une volonté de maîtriser les récits médiatiques.

Burkina Faso : des suspensions répétées de RFI et France 24

Au Burkina Faso, RFI a été suspendue une première fois en décembre 2022, après la diffusion d’un reportage sur des exactions présumées commises par l’armée burkinabè. Le gouvernement de transition, dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré, avait justifié cette suspension en accusant la radio française de diffuser de « fausses informations » portant atteinte au moral des troupes.

Quelques mois plus tard, en mars 2023, France 24 était également suspendue après avoir diffusé une interview d’un dirigeant d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Le gouvernement avait qualifié cette diffusion de « propagande terroriste ». Ces suspensions ont suscité de nombreuses critiques, notamment de Reporters sans frontières (RSF) et d’autres organisations de défense des droits humains, qui y voyaient une atteinte grave à la liberté d’informer.

Mali : relations tendues avec les médias français

Le Mali, autre pays dirigé par une junte militaire, a également suspendu France 24 et RFI en mars 2022. Là encore, les autorités maliennes reprochaient aux deux médias la diffusion de contenus jugés hostiles au gouvernement de transition et accusés de porter atteinte à l’image de l’armée. Bamako dénonçait des « allégations mensongères » sur des violations des droits humains par les forces armées maliennes.

Cette mesure s’inscrivait dans un contexte de rupture diplomatique avec la France, sur fond de retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane et d’un rapprochement stratégique du Mali avec la Russie. Dans ce climat tendu, les médias français ont été perçus comme des instruments d’influence étrangère, et donc considérés comme indésirables par les autorités de transition.

Niger : des restrictions dans un climat post-coup d’État

Au Niger, à la suite du coup d’État militaire de juillet 2023, les autorités militaires ont également suspendu plusieurs médias internationaux, dont RFI et France 24. Les nouvelles autorités ont invoqué la nécessité de préserver la cohésion nationale face aux ingérences extérieures et à la désinformation. Le coup d’État ayant été largement couvert par les médias internationaux, certains reportages ont été interprétés comme des tentatives de diabolisation du nouveau régime. Là encore, le contrôle de l’information est devenu un enjeu central du pouvoir.

Dans d’autres pays comme la République Démocratique du Congo, le Tchad ou la Guinée, des suspensions ponctuelles ou restrictions d’accès à certains médias internationaux, y compris à Internet et aux réseaux sociaux, ont été observées, notamment pendant les périodes électorales ou lors de troubles sociaux. Ces mesures sont souvent justifiées par les autorités comme étant temporaires, destinées à éviter la propagation de rumeurs ou à préserver l’ordre public.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News