Pour l’Afrique, le centriste Bayrou cherche la voie du milieu


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L’Afrique n’est pas au centre du programme de François Bayrou. Exceptée sa dénonciation du « génocide » au Darfour, le candidat UDF a peu exprimé sa vision du continent et ses intentions en cas de victoire demeurent floues. Ce qui ne veut pas dire qu’il en est dénué. L’occasion pour Afrik de décrypter le programme du prétendant à l’Elysée.

Pour François Bayrou, troisième homme s’il en est, la course à l’Elysée qui entame sa dernière ligne droite s’avère pour le moins tortueuse. Un point en commun avec ses deux principaux rivaux. Corseté entre Sarko et Ségo, l’agreste Béarnais résiste, là où une bonne plâtrée de politiques et journalistes prédisaient sa chute. Coriace, le centriste fait de la résistance et son créneau de « ni droite ni gauche » se révèle bien plus qu’un effet de mode. Celui que les mauvaises langues qualifient de “mou de droite” a enfourché sans attendre son destrier, direction l’Elysée et au grand galop.

S’il est à noter que les thèmes propres à la fonction suprême – défense et politique internationale – sont habilement escamotés du débat public, Bayrou révèle sur ces dossiers des non-dits patents. Quid de ses intentions présidentielles pour l’Afrique ? Quel modèle de politique extérieure compte-t-il appliquer? Chut! Motus et bouche cousue. Dans l’Hexagone, en ces temps de campagne, on préfère palabrer, en envoyant des salves à ses concurrents, sur les dossiers dits classiques que la ménagère de moins de cinquante ans suit avec zèle. Les promesses fusent tous azimuts. Pouvoir d’achat, relance de la croissance, réduction de la dette, chômage, fiscalité, place en Europe, système social à revoir, les banlieues… Ce dernier dossier ouvre indéniablement la page – que certains arracheraient bien – de l’immigration. Et c’est à travers le prisme de la diaspora – clandestine ou pas – qu’est appréhendée la relation de l’Hexagone avec l’Afrique.

Contre la régularisation massive et contre les expulsions

« Tant que vous aurez les vingt pays les plus pauvres de la planète maintenus dans leur dénuement, à quelques centaines de kilomètres des dix pays les plus riches de la planète, vous aurez des vagues migratoires » a-t-il doctement expliqué dans son discours du 14 décembre 2006 à Lille. Selon Bayrou, la panacée « c’est de garantir aux Africains qu’ils peuvent vivre convenablement en Afrique, de leur travail, comme des hommes debout ». Déclaration triviale, sans véritables plus-values émanant de celui qui affirme « ne pas croire aux murailles en matière d’immigration ». Hostile à la régularisation massive des sans-papiers qui créerait « un appel d’air », Bayrou prône le cas par cas, et se prononce contre les expulsions pendant l’année scolaire. Les sans-papiers « bien intégrés » en France seraient alors régularisés selon des critères non plus quantitatifs mais qualitatifs.

Bayrou engagé pour «sauver le Darfour»

Depuis le début de sa campagne, François Bayrou ne s’est jamais rendu sur le continent et s’est fait remarquer pour sa discrétion sur le sujet. Convoqué en mars dernier par le collectif Urgence Darfour à la salle de la Mutualité, le patron de l’UDF s’est engagé, comme la plupart des candidats, à tout mettre en oeuvre pour « sauver le Darfour ». « La place de la France et la place de l’Europe est aux côtés des victimes de génocide du Darfour », a-t-il alors déclaré, ajoutant: « il n’y a rien de plus facile que d’arrêter cette tragédie ». C’est bon à savoir mais surtout c’est rassurant de savoir qu’un homme politique détienne la recette miracle. Qu’il prenne son temps, peut-être n’y a-t-il pas assez de victimes pour que super-Bayrou sorte sa cape ? Qu’importe, il s’en occupera sans doute après le 6 mai… Cela fait partie du mystère Bayrou, « le premier à s’être rendu au Darfour », souligne son conseiller pour les questions internationales, Emmanuel Lempert. « Ce qu’a voulu dire François Bayrou, c’est qu’il faut arrêter de se réfugier derrière le concept de « complexité africaine’ » pour justifier notre inaction, et mettre la pression su Moscou et Pékin », précise-t-il.

Briser les chaînes de la Françafrique tout en conservant ses anneaux

Hormis cette tribune sur la crise qui ravage la province ouest soudanaise, le patron de l’UDF n’a pas franchement dévoilé ses intentions à l’égard du continent. « Dans son esprit, la politique internationale de la France en Afrique n’a pas à être personnalisée. Les meilleurs amis de Bayrou en Afrique ne sont pas les chefs d’Etat du réseau Françafrique mais bel et bien les Africains», indique M.Lempert, annonçant la fin du domaine réservé qu’il qualifie de « politique de Prince ». Pour rendre les décisions au tiers-états, Bayrou mise sur le renforcement de l’influence du parlement et valorise une politique européenne en Afrique. Pour son conseiller, « la coopération économique et politique doit se faire dans le sens du co-développement. Nous ne pensons pas que le simple développement économique participe à la libéralisation politique en Afrique.». Selon lui, François Bayrou sera particulièrement attentif à la nature des régimes politiques en place dans les anciennes colonies. Le centriste vient pourtant de s’entretenir discrètement avec Abdoulaye Wade et …l’indéboulonnable Omar Bongo Ondimba – au pouvoir depuis quarante ans, un démocrate exemplaire ! « Cela ne veut pas dire qu’on ne les rencontre pas », se défend M. Lempert…

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