
En Ouganda, une nouvelle loi rend aux tribunaux militaires le pouvoir de juger des civils. Elle annule une décision historique de la Cour suprême. L’opposition dénonce une manœuvre destinée à étouffer la contestation à moins d’un an de la présidentielle. Le National Unity Platform a saisi la Cour constitutionnelle pour faire annuler le texte. Défenseurs des droits humains et ONG alertent sur le risque de procès expéditifs et partiaux.
La bataille judiciaire et politique en Ouganda autour du rôle des tribunaux militaires prend une nouvelle tournure. Une loi récemment adoptée et promulguée par le président Yoweri Museveni rétablit la compétence de ces juridictions pour juger des civils. Elle abroge ainsi une décision historique de la Cour suprême rendue en janvier. Le principal parti d’opposition, le National Unity Platform (NUP), s’élève contre ce texte, dénonçant une manœuvre visant à museler les opposants à moins d’un an de la présidentielle.
Le retour d’une pratique jugée injuste
En janvier dernier, la Cour suprême ougandaise avait tranché : les tribunaux militaires n’avaient pas la compétence pour juger des civils, car ils ne pouvaient garantir un procès pénal équitable et impartial. Cette décision avait été saluée par les défenseurs des droits humains, qui y voyaient un pas vers plus de justice. Mais en mai, le Parlement a voté une loi revenant sur ce principe, rapidement promulguée par le chef de l’État.
Le NUP, formation dirigée par l’opposant et ex-star de la musique Bobi Wine, accuse le gouvernement d’avoir bâclé le processus législatif. Selon Lewis Rubongoya, secrétaire général du parti, « toutes les procédures » ont été violées, notamment l’absence de consultation publique suffisante. L’avocat George Musisi, également membre du NUP, a saisi la Cour constitutionnelle pour demander l’annulation de la loi.
Un outil politique selon l’opposition
Depuis des années, les militants pro-démocratie et les ONG internationales accusent le gouvernement Museveni d’utiliser les tribunaux militaires pour neutraliser les voix dissidentes. De nombreux cadres du NUP, y compris Bobi Wine lui-même, ont déjà été traduits devant ces juridictions. Les autorités rejettent ces accusations et assurent que seules les personnes impliquées dans des violences armées sont concernées.
Pour l’armée, cette loi est un rempart contre les « groupes politiques militants ». L’ancien porte-parole des forces armées, Chris Magezi, y voit un outil de dissuasion. Le général Muhoozi Kainerugaba, fils du président et chef de l’armée, a félicité les parlementaires pour leur vote. Du côté des défenseurs des droits humains, la crainte est grande : ce texte pourrait rouvrir la voie à des procès expéditifs et partiaux, loin des standards internationaux.
Cette affaire survient alors que l’opposant Kizza Besigye, figure historique de la contestation, reste en détention depuis près de neuf mois. Initialement jugé par un tribunal militaire pour trahison, il avait vu son dossier transféré vers une juridiction civile après la décision de la Cour suprême. Son maintien en prison illustre, pour l’opposition, le durcissement du régime à l’approche de l’élection présidentielle.