
En Ouganda, le sort de Kizza Besigye, figure historique de l’opposition, cristallise les tensions politiques et judiciaires. Toujours emprisonné malgré la durée maximale de détention préventive autorisée, son audience a été avancée sans prévenir, privant sa défense de tout recours efficace. Accusé de trahison, il dénonce un procès politique et reçoit le soutien indéfectible d’une population qui voit en lui l’un des derniers remparts contre l’autoritarisme du régime Museveni.
En Ouganda, l’affaire Kizza Besigye prend une tournure toujours plus explosive. L’opposant historique au régime du président Yoweri Museveni reste incarcéré, au moins jusqu’au 29 mai prochain, malgré une demande de libération sous caution censée être automatique après six mois de détention. Une décision qui ravive les tensions politiques dans un pays où les voix dissidentes paient souvent le prix fort.
Une audience précipitée et une défense affaiblie
Prévue initialement le 29 mai, l’audience de Kizza Besigye a été avancée à la dernière minute au 23 mai. Cette précipitation a pris de court la défense, en particulier son avocate principale Martha Karua, de nationalité kényane, qui n’a pas pu faire le déplacement à Kampala. Face à cette absence, les avocats présents n’ont pu plaider que pour la libération sous caution, arguant que leur client était détenu illégalement depuis plus de six mois. Mais la magistrate en charge, Esther Nyadoi, a refusé de limiter l’audience à ce seul point, insistant pour entendre les arguments de l’accusation. En signe de protestation, les avocats se sont retirés, laissant Kizza Besigye sans défense dans un procès qu’il considère comme vital : « Votre honneur, c’est une affaire où nos vies sont en jeu », a-t-il lancé à la barre.
Accusé de trahison, un crime passible de la peine de mort en Ouganda, Kizza Besigye est dans le viseur du régime depuis plus de deux décennies. Ancien médecin personnel du président Museveni, il a basculé dans l’opposition à la fin des années 1990, devenant l’un des visages les plus emblématiques de la contestation contre le pouvoir en place. Son arrestation en novembre 2024 lors d’un voyage au Kenya, suivie d’une réapparition surprise en Ouganda, a soulevé une vive controverse. Le ministre kényan des Affaires étrangères, Musalia Mudavadi, a reconnu cette semaine une « coopération » avec Kampala pour ce transfert forcé, que des ONG comme Amnesty International dénoncent comme une « violation du droit international ».
Le spectre de la justice militaire plane toujours
L’affaire Besigye intervient dans un contexte judiciaire tendu. Le Parlement ougandais vient de voter un amendement controversé autorisant les tribunaux militaires à juger des civils, une pratique pourtant invalidée dans le passé par la Cour suprême, notamment dans le dossier Besigye. Initialement traduit devant une cour martiale, son dossier avait été transféré à la justice civile en février. Ce retour en force des juridictions militaires alarme les défenseurs des droits humains, qui y voient une tentative du régime de museler l’opposition sous couvert de légalité.
Malgré la répression, Kizza Besigye continue de bénéficier d’un soutien populaire indéfectible. Lors de son audience, ses partisans ont entonné des chants de ralliement, scandant « Nous vaincrons » et « Libérez Besigye », avant d’être rappelés à l’ordre par les forces de sécurité.