
La Cour de justice d’Afrique de l’Est (EACJ) a rejeté, ce mercredi 26 novembre, un recours déposé par quatre organisations de la société civile africaine contre le gigantesque projet d’oléoduc EACOP (East African Crude Oil Pipeline), qui relie l’Ouganda à la Tanzanie. Après près de cinq ans de bataille judiciaire, la Cour a rendu sa décision.
Elle a statué pour des raisons de procédure, sans examiner le fond des accusations environnementales et sociales.
Recours rejeté pour dépassement de délai
Le recours avait été déposé par des ONG ougandaises et tanzaniennes. Il dénonçait la violation de traités internationaux ainsi que des procédures illégales dans l’accord de construction du plus grand oléoduc chauffé au monde. Cependant, l’EACJ a confirmé une décision antérieure. Elle a rejeté la plainte au motif qu’elle avait été déposée hors du délai de 60 jours après la signature des accords gouvernementaux.
La Cour a rappelé un principe strict : « Ce tribunal ne peut exercer sa juridiction sur un litige, aussi manifeste ou flagrante que soit la violation, si l’affaire est prescrite », a-t-elle justifié. Cette décision constitue une grande déception pour les plaignants. Dale Onyango, l’un des avocats a exprimé sa frustration en expliquant que la Cour n’avait pas examiné le cœur de leurs arguments. Selon lui, le fond du dossier est resté totalement de côté et les questions environnementales et sociales n’ont pas été examinées.
L’EACOP, un projet à 10 milliards de dollars sous haute tension
L’oléoduc EACOP s’étend sur 1 443 kilomètres. Il représente un investissement majeur estimé à dix milliards de dollars. Le projet est porté par TotalEnergies, la compagnie chinoise CNOOC et les États ougandais et tanzanien.
Depuis son lancement, il fait l’objet de vives critiques. De nombreux groupes de défense des droits humains et de l’environnement le qualifient de « bombe carbonique ». Selon eux, plus de 100 000 personnes seraient affectées. Certaines auraient perdu leurs terres sans compensation adéquate. D’autres affirment avoir été contraintes de signer des documents qu’elles ne comprenaient pas.
L’agriculteur ougandais Yiga Cosmas est l’un d’entre eux. Il dit être « déprimé » après la perte de plus de deux hectares de terres et de cultures précieuses. La compensation qu’il a reçue est, selon lui, « sous-évaluée ». TotalEnergies réfute ces accusations. L’entreprise assure que 99,2 % des quelque 18 500 foyers impactés ont été compensés.
La bataille juridique n’est pas terminée
Malgré cette défaite, les opposants au projet restent mobilisés. Des organisations congolaises ont annoncé avoir déposé une nouvelle plainte devant la Cour de justice d’Afrique de l’Est. Cette fois, elles visent la RDC, l’Ouganda et le Secrétaire général de l’EAC. Leur objectif est de porter la voix des pêcheurs des lacs Albert et Edward.
Ces plaintes évoquent la disparition de certaines espèces de poissons. Elles dénoncent également un changement de couleur de l’eau. Selon les organisations, ces phénomènes seraient liés aux activités pétrolières menées en Ouganda, sans consultation des communautés congolaises.
Pendant ce temps, les autorités ougandaises maintiennent leur calendrier. Les premières productions commerciales de pétrole du lac Albert sont attendues pour le milieu de l’année prochaine.




