Niger : bras de fer entre la junte et les magistrats, la justice en crise


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Le général Abdourahamane Tiani, chef du CNSP
Le général Abdourahamane Tiani, chef du CNSP

Depuis le coup d’État de juillet 2023 ayant porté au pouvoir le général Abdourahamane Tiani, le Niger est entré dans une nouvelle ère politique, marquée par un autoritarisme de plus en plus affirmé. La dissolution récente de plusieurs syndicats de magistrats et la radiation d’un de leurs membres emblématiques ont mis le feu aux poudres, provoquant une vive réaction du corps judiciaire et déclenchant une crise sans précédent entre la junte et le pouvoir judiciaire.

Le vendredi 8 août 2025, le Syndicat autonome des magistrats du Niger (SAMAN), l’un des plus influents du pays, a lancé un mot d’ordre de grève illimitée en réponse à la radiation de son secrétaire général, Abdoul-Nasser Bagna Abdourahamane. Cette sanction, prise par décret présidentiel, n’a été accompagnée d’aucune justification officielle. Pour les magistrats, il s’agit d’un acte politique déguisé, une tentative d’intimidation et de musellement du pouvoir judiciaire.

Appel à une grève de deux jours

Ce nouvel épisode intervient quelques jours après la dissolution de cinq syndicats du secteur judiciaire par les autorités, au motif qu’ils ne contribueraient pas « au bon fonctionnement du service public de la justice ». Parmi eux, le SAMAN, qui conteste vigoureusement cette décision en dénonçant une « dérive autoritaire sans précédent ». L’ordre des avocats du Niger, solidaire du mouvement, a également appelé à une grève de deux jours. D’autres syndicats et centrales syndicales nationales réclament désormais la réintégration des syndicats dissous et l’annulation des arrêtés ministériels.

La tension entre la junte et les structures syndicales ne date pas d’hier. Dès avril 2025, le régime avait déjà dissous plusieurs syndicats de forces de défense et de sécurité (Douanes, Eaux et Forêts), invoquant la « Charte de la refondation » promulguée fin mars. Ce texte, désormais doté d’une valeur constitutionnelle, interdit aux forces armées et paramilitaires toute activité syndicale. Il sert aussi de feuille de route à la junte, qui a fixé la durée de sa transition militaire à un minimum de cinq ans.

Tiani exposé à une contestation interne

Mais l’application de cette charte semble désormais s’étendre à d’autres secteurs, notamment celui de la justice, pourtant considéré comme un contre-pouvoir essentiel. En ciblant les syndicats judiciaires, la junte montre sa volonté de réduire toute opposition organisée, même lorsqu’elle émane d’un corps aussi fondamental que celui des magistrats. Cette confrontation intervient dans un contexte sécuritaire toujours tendu : depuis plus d’une décennie, le Niger est confronté à des attaques régulières de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique, notamment dans les régions frontalières du Mali, du Burkina Faso et du Nigeria.

Dans ce climat, l’armée et les forces paramilitaires jouent un rôle important, ce qui a pu justifier, dans l’esprit de la junte, l’interdiction du droit syndical pour ces corps. Mais l’extension de cette logique à la magistrature pourrait être un pas de trop. Les mouvements de grève du SAMAN sont historiquement bien suivis au Niger. Leur mobilisation actuelle est sur le point de paralyser davantage un appareil judiciaire. En tentant de remodeler l’ordre juridique à son image, le régime de Tiani s’est exposé à une contestation interne.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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