Niger : l’armée à bout, deux mutineries en trois jours révèlent un malaise profond


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Armée du Niger
Armée du Niger

Le Niger, déjà fragilisé par l’insécurité chronique et les tensions géopolitiques, est désormais confronté à un malaise grandissant au sein de ses propres forces armées. En l’espace de 72 heures, deux mutineries ont éclaté à Filingué puis à Téra, révélant le désarroi des soldats envoyés en première ligne contre les groupes armés. Sous-équipés, mal renseignés, en colère face aux retards de solde, ils refusent désormais d’obéir.

Ce nouvel épisode de rébellion militaire, qui s’ajoute à deux autres mouvements similaires en trois mois, met à nu les fractures internes d’une armée engagée dans une guerre asymétrique qu’elle ne se sent plus capable de mener.

Filingué : la goutte de trop pour le 13e bataillon

Le mardi 24 juin, à Filingué, à environ 180 km au nord de Niamey, les soldats du 13e bataillon interarmes ont dit non. Non à une mission de relève dans la région de Banibangou,où a eu lieu quelques jours plus tôt, un massacre où 71 de leurs frères d’armes ont péri. Ce refus d’exécution d’ordre n’est pas un acte d’insubordination ordinaire : il est l’expression d’un ras-le-bol général. Les militaires exigent un meilleur équipement, notamment un appui aérien soutenu, avant de retourner dans une zone jugée trop dangereuse sans moyens adaptés. Le ton est monté jusqu’à la violence : leur commandant, le lieutenant-colonel Massaoudou Dari Mossi, a été séquestré, frappé et évacué en urgence vers la Turquie pour y être soigné.

Téra : des soldats à bout de nerfs

Moins de 24 heures après les événements de Filingué, une autre mutinerie éclate à Téra, ville garnison à moins de 200 km de Niamey. Cette fois, ce sont les soldats de la compagnie mobile de contrôle des frontières qui refusent une mission d’escorte d’un convoi de ravitaillement venant du Burkina Faso. Pour eux, impossible de prendre un tel risque sans garanties minimales. Ils dénoncent une situation devenue insoutenable : manque criant de munitions, absence d’armes efficaces, retards de soldes, et surtout, absence de renseignements fiables. L’hécatombe de Banibangou reste dans tous les esprits et alimente un climat de peur, de colère et de défiance envers la hiérarchie militaire.

Une armée fragilisée, un État sous pression

Les deux mutineries survenues en seulement trois jours portent à quatre le nombre de rébellions internes recensées depuis mars, après celles de Termit et Tahoua. Ces soulèvements ne sont plus isolés mais traduisent une crise structurelle. Le moral des troupes est au plus bas, les pertes humaines s’accumulent, et l’équipement reste dramatiquement insuffisant. Dans un pays dirigé par des militaires depuis le coup d’État de 2023, ces épisodes de désobéissance pourraient ébranler davantage un pouvoir déjà contesté. Car lorsque l’armée se fissure de l’intérieur, c’est tout l’édifice sécuritaire d’un État en guerre contre le terrorisme qui vacille.

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