
Le régime militaire nigérien a officiellement nationalisé la Somaïr, filiale du géant français de l’uranium Orano, accusée de pratiques déloyales. Cette décision historique sonne le glas des relations entre Niamey et Paris.
La rupture est désormais consommée. Le jeudi 19 juin 2025, les autorités nigériennes ont officiellement annoncé la nationalisation de la Somaïr (Société des Mines de l’Aïr), une entreprise stratégique exploitant l’uranium, détenue jusqu’ici majoritairement (à 63,4 %) par Orano, ex-Areva, pilier français de l’industrie nucléaire. Selon la télévision publique RTN, cette décision résulte du « comportement irresponsable, illégal et déloyal » de la société, qualifiée de bras économique d’un « État ouvertement hostile au Niger ».
Uranium, souveraineté et bras de fer diplomatique
Fondée il y a plus de cinquante ans, la Somaïr exploitait l’uranium nigérien dans la région d’Arlit, au nord du pays. Après le coup d’État de juillet 2023, qui a évincé le président Mohamed Bazoum, les tensions entre Paris et Niamey n’ont cessé de croître. La Somaïr est devenue l’un des symboles les plus visibles de ce bras de fer.
Depuis décembre 2024, Orano avait reconnu avoir perdu le contrôle opérationnel de ses filiales nigériennes, dont la Somaïr. Mais l’annonce de la nationalisation, accompagnée du transfert intégral des actions et du patrimoine à l’État nigérien, scelle de manière irréversible le divorce économique entre les deux pays.
« Par cette nationalisation, les actions et le patrimoine de la Somaïr sont intégralement transférés en toute propriété à l’État du Niger », a annoncé la RTN, précisant que les anciens actionnaires bénéficieront d’une indemnité de compensation.
Une longue liste de griefs contre Orano
Les griefs de Niamey sont multiples : non-respect des accords de partage des ressources, exportation au-delà des parts autorisées, suspension unilatérale des travaux depuis juillet 2023, rapatriement sans préavis des ressortissants français, déconnexion des systèmes informatiques du groupe, et même tentative de revente des parts sans consultation préalable.
À cela s’ajoute une affaire sensible : l’arrestation du directeur local d’Orano. Du matériel informatique et des téléphones avaient été saisis lors d’une perquisition. Orano a dénoncé une détention arbitraire, mais n’a pas obtenu gain de cause. Par ailleurs, 1 300 tonnes de concentré d’uranium, estimées à 250 millions d’euros, sont actuellement bloquées sur le site de la Somaïr.
Arbitrages internationaux en cours
En réaction, Orano a engagé plusieurs procédures d’arbitrage international pour contester la perte de contrôle sur ses filiales et la résiliation du permis d’exploitation de l’immense gisement d’Imouraren, retiré en juin 2024. Ce site contient environ 200 000 tonnes d’uranium, ce qui en fait l’un des plus grands gisements au monde.
Cependant, ces démarches juridiques semblent impuissantes face à la logique souverainiste adoptée par la junte nigérienne.
Ce geste envers Orano s’inscrit dans une stratégie diplomatique assumée de rupture avec la France, amorcée dès l’expulsion des soldats français, puis américains, du territoire nigérien. Dans un contexte sécuritaire explosif, marqué par la mort de 34 soldats à Banibangou, les autorités nigériennes reprochent à Paris un double jeu, accusant l’ancienne puissance coloniale de former des terroristes, sans en apporter les preuves.
En parallèle, Niamey se rapproche de nouveaux partenaires, notamment la Russie et l’Iran, dans une dynamique d’alliance alternative. Cette orientation géopolitique se traduit aussi par une remise en cause d’autres contrats étrangers, comme ceux avec la société pétrolière chinoise CNPCNP, récemment accusée de mépriser les réglementations locales.