
La condamnation de Serge Mathurin Adou à Niamey relance les inquiétudes autour des tensions politiques au sein de l’AES. Le journaliste ivoirien, accusé de complot contre le régime burkinabè, a disparu pendant des semaines avant sa mise en cause officielle. La Côte d’Ivoire, prise de court, tente désormais de suivre la situation à distance. L’avenir du détenu reste incertain, notamment quant à un éventuel transfert vers Ouagadougou.
Le journaliste nigéro-ivoirien Serge Mathurin Adou a été condamné vendredi 21 novembre 2025 à deux ans de prison ferme par le tribunal de grande instance de Niamey. La sentence, prononcée à l’unanimité par les juges et jurés, le reconnaît coupable d’« atteinte à la sûreté de l’État » dans une affaire de tentative de déstabilisation visant le régime du capitaine Ibrahim Traoré au Burkina Faso, pays allié du Niger au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Une disparition de plusieurs semaines
L’affaire, qui souligne les tensions politiques régionales, a débuté le 1er septembre 2024. Ce jour-là, Serge Mathurin Adou, résident au Niger depuis une vingtaine d’années et ancien journaliste à la télévision privée Canal 3, disparaît après avoir annoncé à son épouse devoir répondre à une convocation de la police. Pendant plus de deux mois, l’inquiétude grandit autour de son sort, jusqu’à son inculpation officielle le 11 novembre 2024 et son transfert à la prison civile de Birni N’Gaouré.
Entre-temps, les accusations se sont précisées depuis Ouagadougou. Fin septembre, le ministre burkinabè de la Sécurité, Mahamadou Sana, avait publiquement pointé du doigt le journaliste, l’accusant d’avoir participé à un « vaste complot » et à « plusieurs tentatives de déstabilisation » visant le régime militaire burkinabè.
Le poids des relations tendues Abidjan-Ouagadougou
Le contexte diplomatique régional pèse lourdement sur cette affaire judiciaire. Les relations entre la Côte d’Ivoire et son voisin burkinabè sont tendues depuis le coup d’État de septembre 2022 qui a porté Ibrahim Traoré au pouvoir.
L’implication d’un ressortissant ivoirien dans un complot présumé contre Ouagadougou, jugé sur le territoire de Niamey (membre de l’AES), place Abidjan dans une situation délicate. Le consul honoraire de Côte d’Ivoire au Niger, Victor Akpro Akessé, qui a pu rendre visite au journaliste en détention, a confirmé que Serge Mathurin Adou se portait « relativement bien » malgré les circonstances.
L’incertitude post-condamnation
Alors que la famille du journaliste et les avocats mandatés par Abidjan peuvent enfin fixer une échéance avec cette peine de deux ans ferme, l’incertitude demeure quant à son lieu de détention futur. Le diplomate ivoirien a exprimé une vive crainte d’un éventuel transfert du journaliste vers le Burkina Faso, où son sort pourrait s’aggraver considérablement.
Pour l’heure, la question reste ouverte : Serge Mathurin Adou purgera-t-il l’intégralité de sa peine au Niger, ou des négociations diplomatiques pourraient-elles permettre son rapatriement en Côte d’Ivoire ? L’affaire rappelle par ailleurs les préoccupations exprimées par Reporters sans Frontières, qui a signalé la disparition ou la contrainte de plusieurs professionnels des médias à servir l’armée burkinabè ces derniers mois.




