
L’interpellation d’Ibtissame « Betty » Lachgar, figure du militantisme féministe et laïque au Maroc, relance le débat sur les limites de la liberté d’expression religieuse. En tant que commandeur des croyants, Mohammed VI se retrouve au cœur d’un dossier où se mêlent droit, religion et image internationale du royaume.
Le 31 juillet 2025, Ibtissame Lachgar publie sur X (ex-Twitter) une photo d’elle portant un t-shirt avec l’inscription « Allah is lesbian », assortie de propos qualifiant l’islam — comme toute idéologie religieuse — de « fasciste, phallocrate et misogyne ». La diffusion de cette image entraîne une vague de réactions, des insultes aux menaces de mort.
Le 10 août, le procureur du tribunal de première instance de Rabat ordonne son arrestation pour « atteinte à la religion islamique ». Elle est placée en détention provisoire à la prison d’Arjat. Le procès, ouvert le 13 août, a été ajourné au 27 août, la demande de liberté provisoire ayant été refusée.
Le dossier, particumièrement médiatisé, est suivi de tr_s près par les médias internationaux et les influenceurs de toutes sortes. Son verdict sera donc largement commenté et donnera lieu à interprétation et bien sûr contestation.
Base juridique et enjeux institutionnels
La militante est poursuivie au titre de l’article 267-5 du Code pénal marocain, qui sanctionne l’atteinte à la religion islamique, avec des peines alourdies lorsque l’infraction est commise publiquement ou via un média électronique. Le ministère public considère que la publication sur les réseaux sociaux relève de cette disposition.
Le statut constitutionnel de Mohammed VI, commandeur des croyants, le place au centre de l’équation : il est à la fois garant de la protection de l’islam et du respect de ses symboles, et chef d’État attaché à présenter un Maroc ouvert et modéré sur la scène internationale. Chaque affaire de ce type réactive cette tension entre exigence religieuse interne et attentes diplomatiques externes.
Sur le plan interne, la fermeté envers une figure militante connue pour ses critiques de la religion peut renforcer la légitimité du souverain auprès des franges conservatrices et religieuses de la société. Mais sur le plan extérieur, le risque est d’alimenter les critiques sur la liberté d’expression et de donner du Maroc l’image d’un pays répressif face aux opinions dissidentes.
Il faut rappeler aussi que Mohammed VI est déjà très contesté sur le plan religieux par sa position vis à vis de la Palestine. Prédident du Comité Al Qods, Mohammed VI est tiraillé entre son alliance avec Israël et l’attente de sa population de soutien envers le peuple palestinien et la défense de Jérusalem.
Ce dossier pourrait donc servir de baromètre pour mesurer jusqu’où Mohammed VI est prêt à assumer le rôle de protecteur de la foi au détriment de la tolérance envers les voix critiques, dans un contexte où la stabilité politique du royaume repose aussi sur sa capacité à maintenir un équilibre subtil entre tradition religieuse et ouverture au monde.