
Au Maroc, la parole s’élève contre une forme de violence trop longtemps banalisée : le harcèlement numérique. Trois associations – Kif Mama Kif Baba, Médias et Cultures (AMC) et l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) – viennent de lancer un plaidoyer national baptisé « Mamhkoumch », littéralement « On ne se tait pas ». Cette initiative entend briser le silence entourant les violences basées sur le genre facilitées par la technologie, de plus en plus fréquentes sur les réseaux sociaux.
Les chiffres sont terribles. Selon une enquête du Haut-Commissariat au Plan, près d’1,5 million de femmes marocaines ont déjà été victimes de cyberviolence. D’autres études citent un taux alarmant de 58 % de femmes ayant subi du harcèlement en ligne. Plus inquiétant encore, un tiers de ces violences numériques se traduisent ensuite dans la vie réelle, passant de l’écran à l’espace public.
Les associations rappellent que le cyberharcèlement, la diffusion non consentie d’images intimes, l’usurpation d’identité ou encore le « doxxing » ne sont pas de simples dérives virtuelles, mais des atteintes directes à la dignité et à la sécurité des femmes.
Une campagne inédite pour interpeller les autorités
Le plaidoyer « Mamhkoumch », lancé le 25 septembre 2025, se déploiera sur les réseaux sociaux du 2 au 10 octobre à travers vidéos, témoignages et visuels percutants. Il vise à sensibiliser le grand public, mais aussi à interpeller les décideurs politiques.
Les associations réclament une réforme du code pénal pour y intégrer explicitement les violences numériques, une meilleure formation des policiers et magistrats pour accueillir les plaintes, ainsi que des mécanismes de signalement sécurisés et accessibles aux victimes. Elles insistent aussi sur la responsabilité des grandes plateformes numériques, appelées à modérer plus efficacement les contenus violents et à coopérer avec les autorités marocaines.
Au-delà de la protection individuelle, c’est la place des femmes dans l’espace public qui est en jeu. Le cyberharcèlement pousse nombre d’entre elles à se retirer des réseaux sociaux, voire à s’autocensurer. « Mamhkoumch » veut montrer qu’il est possible de dire non et d’exiger des lois adaptées au monde numérique. Si cette campagne réussit à transformer l’indignation en réformes concrètes, elle pourrait constituer un tournant pour l’égalité et les droits numériques au Maroc.